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Dans les banlieues de Paris, les jeunes se plaignent de discrimination

mardi, 27 janvier 2015

A 17 ans, Yassine a "décroché" de l'école et ne se fait plus d'illusions sur son avenir. Comme beaucoup de jeunes des banlieues défavorisées aux portes de Paris, il s'estime victime d'une discrimination sociale que le Premier ministre français Manuel Valls est allé jusqu'à comparer à l'apartheid.

"L'école, c'était trop dur", dit l'adolescent timide, le visage barré d'une mèche rebelle, qui rêvait d'obtenir son baccalauréat puis de faire des études universitaires. "J'ai redoublé, et puis j'ai arrêté".

Malgré le froid, il traîne, désœuvré, avec un ami, au pied des immenses tours de Bobigny, barres de béton construites à l'origine pour offrir des logements décents aux familles à revenus modestes, devenues aujourd'hui le symbole du mal-être des cités défavorisées où vit en majorité une population issue de l'immigration.

Dans les allées reliant ces immeubles se déroulent souvent des trafics de drogue la nuit. Et dans les cités les plus "sensibles", des bandes conduites par de jeunes caïds font la loi.

"Si je vais voir un patron, avec mes origines et la zone où j'habite, il va difficilement m'engager", dit Yassine, fils d'immigrés algériens.

De fait, les difficultés sociales sont plus accentuées dans ces quartiers dits sensibles, où vivent 4,7 millions de personnes, soit environ 7,5 % de la population française, selon l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

La pauvreté y est trois fois plus élevée qu'ailleurs, l'illettrisme quatre fois plus important (12% en 2012), le taux de chômage est de 24% contre 10% environ au niveau national, selon le dernier rapport de cet organisme.

Le Premier ministre socialiste a choqué certains acteurs politiques en affirmant la semaine dernière qu'il existait un "apartheid territorial, social, ethnique" dans le pays.

Dans une France bouleversée par les attentats jihadistes commis par trois jeunes musulmans issus de l'immigration, qui ont fait 17 morts début janvier, Manuel Vals a déploré l'existence de "ghettos".

« Comme dans un zoo »

"Oui, on a jeté les immigrés dans les cités comme si c'étaient des animaux en cage dans un zoo", déplore Mohamed, né en France de parents marocains, venus avec les grandes vagues d'immigration des années soixante.           

Dans ces cités minées par la délinquance, "c'est la misère, le manque d'argent, et cela pousse les jeunes à commettre des actes illicites, des braquages", ajoute ce jeune homme de 32 ans.

 

"Si je m'appelais Jean-Charles et que j'étais un blond aux yeux bleus, je trouverais du travail plus facilement", soutient-il.

Lors de leur recherche d'emploi, les jeunes de ces quartiers disent cumuler plusieurs handicaps : rareté des offres (66%), manque d'expérience (58%), manque de réseaux professionnels (36%) et difficultés liées au lieu de résidence (9%), selon le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. 

"Un jeune issu de ces quartiers a trois fois moins de chance de trouver un travail", souligne Nadir Kahia, président de l'association "Banlieue plus" qui s'investit avec les jeunes de ces cités.

Ce dernier réclame de "vraies mesures pour casser l'apartheid", expliquant qu'on parle de "Mur périphérique" séparant ces cités de Paris.    

Pour lui, la première des priorités est l'éducation. "Beaucoup de jeunes sont déscolarisés, marginalisés, en échec scolaire", souligne-t-il. 

Nadir Kahia estime que "la politique d'intégration ou d'assimilation a échoué, parce que les politiques n'ont pas considéré les habitants des quartiers populaires comme des citoyens à part entière, des citoyens égaux".

« Un ghetto mental »

Pourtant, depuis les émeutes qui ont secoué les banlieues françaises en 2005, le gouvernement a pris des mesures et injecté des milliards d'euros pour réhabiliter ces cités.

Dans le même temps, "de plus en plus de jeunes de ces quartiers réussissent, ce qui leur permet d'accéder à la classe moyenne", souligne M. Kahia.

Mais le "premier réflexe" de ceux qui réussissent est de quitter ces quartiers, déplore l'écrivain Rachid Santaki, un enfant de ces cités.         

"Il existe un ghetto mental", souligne ce jeune homme qui multiplie les initiatives dans ces quartiers, en organisant par exemple des dictées, estimant que la culture peut renforcer le lien social.

L'écrivain est convaincu que les habitants de ces cités, victimes des clichés, doivent sortir de leur attitude "défaitiste" et "prendre leurs responsabilités".

"En premier lieu, ils doivent commencer à voter", "pour que la banlieue ait un poids politique", estime-t-il.

Reportage AFP

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