El Yazami : « Nous devons assumer notre pluralité et refuser d’opposer les appartenances »
Du 5 au 13 juillet 2025, Rabat accueille la 16ème édition de l’Université d’été en faveur des jeunes Marocains du monde, une initiative organisée par le Département des Marocains résidant à l’étranger relevant du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, dans le cadre de l’opération Marhaba 2025.
Cette édition réunit 300 jeunes âgés de 18 à 25 ans, venus de 30 pays à travers le monde. Parmi eux, 190 jeunes femmes et 110 jeunes hommes, pour une représentation féminine significative de 65 %, soulignant la féminisation croissante de la migration. 87 % de ces jeunes sont nés à l’étranger, confirmant l’émergence d’une nouvelle génération profondément ancrée dans une double culture.

Un programme riche pour découvrir le Maroc d’aujourd’hui
Au-delà de l’opportunité de visiter le pays d’origine de leurs parents, ces jeunes participent à un programme intensif mêlant conférences, visites culturelles, rencontres institutionnelles avec comme objectif de renforcer les liens avec le Maroc : « Depuis son lancement en 2009, ce programme constitue l’une des actions phares dédiées aux jeunes générations des MRE, leur permettant d’échanger et de découvrir la richesse de leur pays d’origine, notamment son histoire, sa culture et son système de valeurs basé sur le dialogue et la tolérance. Les travaux de cette manifestation permettront à ces jeunes MRE de s’enquérir des grands chantiers stratégiques lancés sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu l’Assiste, et de découvrir les atouts économiques, culturels, et touristiques du Maroc », indique le communiqué du département ministériel.
Driss El Yazami aux jeunes : “Vous êtes les héritiers d’une histoire migratoire riche et porteurs d’un avenir partagé”
S’exprimant lors de la cérémonie d’ouverture, M. Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) a présenté lors de son allocution d’ouverture les enjeux migratoires contemporains et le rôle stratégique que peuvent jouer les jeunes Marocain.es du monde. Il a rappelé d’emblée :« Vous êtes les héritiers d’une longue histoire de l’immigration marocaine. Aujourd’hui, vous vivez dans un monde globalisé, marqué par des mobilités humaines multiples, mais aussi marqué par une politisation et une instrumentalisation croissante de la question migratoire. »
« Contrairement aux idées reçues, a-t-il ajouté, les flux migratoires Sud-Sud – notamment au sein du continent africain – sont plus importants que les migrations Sud-Nord : « l’image traditionnelle du “migrant travailleur” est dépassée. Aujourd’hui, 20 % des Marocains du monde sont diplômés à un niveau Bac+6. La migration s’est aussi profondément féminisée, et une nouvelle génération de jeunes nés à l’étranger émerge, pleinement consciente de sa double identité. »

La migration, un levier de développement partagé
En évoquant la gouvernance mondiale de la migration, M. El Yazami a déploré le faible engagement des pays du Nord vis-à-vis des conventions internationales, tout en saluant le rôle pionnier du Maroc « Le Maroc a mis en place une stratégie nationale de la migration et de l’asile, et il s’est engagé activement au niveau africain et international, notamment à travers le Pacte de Marrakech et l’Agenda africain sur la migration, définis sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. »
La double appartenance : un atout à valoriser
Pour conclure, M. Driss El Yazami a appelé les jeunes à s’inscrire dans une double présence, une réalité reconnue par la Constitution marocaine (article 16), qui affirme :
« Le Royaume du Maroc œuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyennes et des citoyens marocains résidant à l’étranger, dans le respect du droit international et des lois en vigueur dans les pays d’accueil. Il s’attache au maintien et au développement de leurs liens humains, notamment culturels, avec le Royaume et à la préservation de leur identité nationale. Il veille au renforcement de leur contribution au développement de leur patrie, le Maroc, et au resserrement des liens d’amitié et de coopération avec les gouvernements et les sociétés des pays où ils résident ou dont ils sont aussi citoyens. »

D’après M. El Yazami, « Nous souhaitons développer avec vous cette double présence. Vous êtes les bienvenu·es au Maroc, votre pays d’origine, pour participer pleinement à son développement et à ses projets de transformation. Mais vous êtes aussi appelés, pour la majorité d’entre vous, à intervenir dans les grands débats qui traversent vos pays de résidence, là où vous êtes né·es et vivez aujourd’hui. Vous êtes des binationaux, porteurs de droits, d’outils et de leviers d’action. Il est essentiel que vous fassiez entendre votre voix là-bas aussi, dans les sphères politique, associative, syndicale et académique. Vous avez les moyens d’écrire, d’agir, de voter » et d’ajouter que « Nous vivons dans un monde marqué par la mobilité. Les mobilités humaines sont une richesse et représentent un atout. Ce qui est essentiel aujourd’hui, c’est de réfléchir à la manière dont vous pouvez contribuer au grand chantier que le Maroc est en train de construire. Nous sommes convaincus que la communauté marocaine à l’étranger peut jouer un rôle essentiel dans ce processus. »
Les témoignages des jeunes : entre attachement, fierté et engagement
Plusieurs jeunes ont partagé leurs ressentis sur leur participation à cette 16ème édition de l’Université d’été :
Hind El Ouadoudi (Bologne, Italie) « Je suis née au Maroc et j’ai rejoint l’Italie à l’âge de deux ans. Diplômée d’un master en affaires publiques (Public Affairs), j’ai longtemps considéré le Maroc uniquement comme une destination de vacances, où je revenais chaque été avec ma famille. Mais ma participation à l’Université d’été m’a fait prendre conscience que le Maroc, c’est bien plus que cela : c’est aussi un pays d’opportunités. Aujourd’hui, je réfléchis sérieusement à la possibilité de revenir m’y installer un jour, de contribuer à son développement et de mettre mon expérience acquise en Italie au service de mon pays d’origine. Ces journées nous rappellent que nous ne sommes pas des étrangers ici, mais les enfants de ce pays, toujours les bienvenus. »
Meriem El Atli (Milan, Italie) « Partie en Italie à l’âge de huit ans, j’ai appris l’arabe là-bas tout en continuant à venir chaque année au Maroc. Grâce à ce programme et aux échanges avec les institutions marocaines, j’ai acquis une nouvelle vision du pays, de ses projets, de son avenir. Depuis longtemps, j’ai envie de revenir vivre ici. Ce programme renforce encore davantage ce lien et cette volonté. »

Soukaina Nasroallah (Milan, Italie) « Je suis née en Italie et je me sens à la fois italienne et marocaine. Mon ambition est de construire une carrière, réaliser un projet qui me permet de connecter les deux pays, de créer des ponts. Participer à cette Université d’été est une expérience très enrichissante : j’ai découvert à quel point le Maroc évolue, avec de nombreux chantiers en cours. »
Hind, Meriem et Soukaina soulignent toutes trois l’importance de développer davantage d’initiatives à destination des jeunes d’ailleurs, notamment des stages, des programmes d’échange, des bourses d’études, des cours de langue, et des rencontres régulières pour mieux faire connaître le Maroc et ses transformations, en particulier à la jeunesse marocaine installée en Italie.
Souhaila Karimallah (Liège, Belgique) « J’ai 23 ans, je suis née à Liège, en Belgique et je suis diplômée en communication. J’ai découvert ce programme via les réseaux sociaux. Le Maroc évolue à une vitesse impressionnante et cette opportunité nous permet de mieux comprendre son développement économique et les projets d’avenir, notamment en vue d’investir. Les intervenants sont de qualité, et l’échange est réel. J’ai effectué récemment un stage à Casablanca, car j’avais besoin d’explorer mon identité culturelle, de découvrir ce que le Maroc pouvait m’offrir de concret par rapport à mon pays de naissance, la Belgique, mon deuxième pays qui ne me donne plus d’espace, entre islamophobie croissante et montée de l’extrême droite. Le Maroc, c’est mon autre pays. J’ai envie de me réapproprier mon héritage, cette culture que ma mère m’a transmise, et de la réintégrer pleinement dans ma personnalité et mon identité. J’envisage de venir m’installer au Maroc mais je suis ouverte à la mobilité. Le Royaume-Uni, l’Asie, ou les pays du Golfe m’intéressent aussi mais mon attachement au Maroc reste affectif et profond. »

Cette journée a vu également la participation de MM. Ismail Lamghari, secrétaire général du département des Marocains résidant à l’étranger, Mustapha Messaoudi, secrétaire général du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication – Département de la Jeunesse, Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des Musées et Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas.