« Chantage », « dictateur », « racket »: les eurodéputés n’ont pas mâché leurs mots à l’égard de la Turquie et de son président Recep Tayyip Erdogan lors d’un premier débat sur une possible levée des visas des ressortissants turcs vers l’Europe, mercredi à Strasbourg.
Dans un hémicycle très remonté, la députée conservatrice Helga Stevens a dénoncé un « comportement irresponsable de la Commission européenne vis-à-vis d’un dictateur ».
« Pourquoi l’Europe se laisse-t-elle faire? », s’est interrogée de son côté la centriste Sophia in’t Veld. « Parce que les dirigeants n’ont pas réussi à se mettre d’accord entre eux sur une politique commune en matière de réfugiés (…), ils préfèrent avoir des accords avec des dictateurs comme Erdogan », a-t-elle asséné.
Pour Marine Le Pen, chef de file de groupe Europe des nations et des libertés (ENF), « le président Erdogan ne fait que jouer avec les cartes que vous lui avez laissées », évoquant un « racket » et un « terrible chantage ».
Les deux principaux partis de l’hémicycle, le PPE (droite) et le S&D (socialistes), ont également fait part de leur réticence au projet de libéralisation de visas à l’égard d’Ankara, en l’état des choses.
La procédure ne doit être possible « que si tous les critères sont remplis », a estimé Mariya Gabriel, du PPE. « On ne peut pas voter pour la libéralisation avant que tous les critères soient remplis, avant le vote du Conseil », c’est-à-dire des Etats membres, a-t-elle argué, appelant à « prendre le temps de travailler sur les détails ».
« Il est important de coopérer avec la Turquie pour trouver une solution à la crise des réfugiés », a reconnu de son côté la socialiste Tanja Fajon. « Mais cela ne veut pas dire qu’on doit fermer les yeux sur tout ce que fait la Turquie », a-t-elle ajouté.
La Commission européenne a ouvert la voie le 4 mai à une exemption de visas pour la Turquie, dont Ankara a fait une condition pour continuer d’appliquer son accord migratoire controversé avec l’UE.
L’exécutif européen a toutefois assorti son avis favorable de réserves, estimant qu’Ankara devait encore remplir cinq critères parmi les 72 fixés pour l’obtenir, notamment une révision de sa législation antiterroriste.
« Moi aussi je m’inquiète pour la liberté d’expression en Turquie », a répondu la ministre néerlandaise Jeanine Hennis-Plasschaert, dont le pays assume la présidence tournante du Conseil de l’UE.
Estimant que la Turquie « mérite d’être soutenue » face au défi des trois millions de migrants réfugiés sur son territoire, elle a toutefois assuré que le pays « sera jugé sur ses mérites ».
Rabat, 11/05/2016
Source : MAP