Inauguration de l’exposition et des Journées culturelles à Al Hoceima
Après Nador et Saïdia, l’exposition itinérante « Belgica Biladi : une histoire belgo-marocaine » a été inaugurée à Al Hoceima, le lundi 22 septembre 2025, en présence de M. le Gouverneur de la province d’Al-Hoceima et du président de la commune, de la délégation provinciale de la culture, de nombreux acteurs associatifs d’Europe et d’Al Hoceima, ainsi que d’un panel de chercheurs, écrivains et écrivaines venus de Belgique, de France, d’Espagne et du Maroc.


Dans son discours d’ouverture, M. Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) a tout d’abord souligné le lien personnel et ancien qu’il entretient avec la ville d’Al Hoceïma et, plus largement, avec la région du Rif. Ce lien remonte à son engagement au sein de la Commission Équité et Réconciliation, dans le cadre de laquelle il a découvert la région entre 2004 et 2005. Une expérience lui a permis de mieux comprendre les réalités historiques du territoire et la résilience remarquable de ses habitants.
M. El Yazami a également rappelé que la région du Rif a été, dès le XIXe siècle, l’un des foyers pionniers de l’émigration marocaine vers l’Algérie française. Une dimension historique souvent ignorée ou oubliée, mais mise en lumière notamment par les recherches de l’historien Mimoune Aziza. Ces travaux montrent que, contrairement à l’idée reçue selon laquelle l’émigration marocaine aurait débuté dans les années 1960, ses origines remontent en réalité à bien plus loin, dans le contexte socio-économique du XIXe siècle.
Et de conclure : « Depuis ce jour jusqu’à aujourd’hui, des dizaines, des centaines, des milliers d’enfants de cette région sont partis pour le combat de la dignité, pour nourrir leurs familles et leurs enfants, et pour soutenir leurs régions d’origine ».
Reconnaître, valoriser, transmettre : l’enjeu de l’exposition Belgica Biladi
Pour Ahmed Medhoune, commissaire de l’exposition Belgica Biladi : une histoire belgo-marocaine « C’est un hommage vibrant à l’histoire partagée entre la Belgique et le Maroc, illustrée par une exposition itinérante, un livre et une série de neuf podcasts. L’objectif principal de cette initiative est de souligner l’importance des immigrés marocains et de leurs descendants dans le développement de la Belgique, tant sur le plan économique que social et culturel. L’exposition retrace leur contribution à l’effort de guerre, à l’exploitation charbonnière et à l’essor démographique et économique du pays. En même temps, elle met en lumière l’histoire de ces migrants, devenus des pionniers du développement au Maroc, ainsi que leurs luttes pour l’égalité et les droits humains, tant en Belgique qu’au Maroc ».



Et de poursuivre qu’« à l’heure où cette première génération disparaît, notamment depuis la pandémie de COVID 19, des interrogations se posent sur le lieu de vieillir et d’être enterré. Cette exposition vise à sortir ces histoires de l’oubli, rendant hommage à ces hommes et ces femmes qui ont façonné non seulement la Belgique, mais aussi une partie de l’histoire du Maroc, bien au-delà de ses frontières physiques. L’exposition met en avant des figures comme Aouicha, venue en Belgique en 1970, et sa petite-fille Wahiba, devenue influenceuse, rappelant que ceux qui oublient leur histoire n’ont pas d’avenir ».
En conclusion, Ahmed Medhoune insiste sur l’importance de « reconnaître et valoriser » ces trajectoires de vie. Selon lui, cette reconnaissance est essentielle pour soigner les identités blessées, en particulier chez les jeunes confrontés à des images déformées par la discrimination et les médias.
Al Hoceima, carrefour des mémoires migrantes
En parallèle, la première édition des Journées culturelles d’Al Hoceima, placée sous le thème « Quand la culture se fait mémoire des diasporas », a débuté par une visite symbolique au mausolée de Sidi Chaïb Ouneftah. Un haut-lieu de mémoire collective, intimement lié aux pratiques orales, musicales et rituelles du Rif oriental. Longtemps associé aux traditions de chant féminin et aux rassemblements communautaires, le mausolée est reconnu localement comme un espace de transmission intergénérationnelle des Izran.

Trois tables rondes ont rythmé cette première édition. La première, consacrée au thème « Rif et migrations », a réuni Hassan Bousetta, Mimoun Aziza, Latif Mortajine et Abdellatif Maroufi, sous la modération de Mustapha Azizi. La deuxième rencontre, axée sur la commémoration de l’immigration marocaine en Belgique, a réuni Souad Fila, Mohamed Ikoubaan, Hassan Bousetta et Ahmed Medhoune. Enfin, une dernière table ronde a mis à l’honneur les écritures féminines de l’immigration, avec les autrices Leila Karrouch, Rachida Lamrabet et Souad Fila, modérée par la journaliste Souhila Riki.






Selon Mme Fatiha Saidi, coordinatrice des Journées culturelles « Ce projet est né d’une volonté collective. L’Association Miramar pour la culture et le développement durable a porté ce rêve avec persévérance, épaulée par l’Association des Marocains des îles Baléares « Al Maghrib » et l’Association Rif pour la presse et les médias. Et d’ajouter « Quand on parle d’immigration, on imagine souvent un simple déplacement d’un point A vers un point B. Mais dans nos vies, dans nos familles, les trajectoires sont rarement linéaires. Ce sont des parcours multiples, faits d’allers-retours, de départs forcés ou choisis. C’est cette histoire en strates, faite de mémoires entremêlées, qui nous réunit aujourd’hui à Al Hoceima – terre de départs et de retours, de fidélité et de souvenirs ».
« Cette année, nous rendons hommage à la Belgique, qui a accueilli il y a 60 ans les premiers travailleurs marocains dans ses mines et ses usines ».
« Nous ne remercierons jamais assez nos aînés qui, malgré l’exil, ont tenu debout, portant sur leurs épaules le poids de la séparation. Merci à leurs enfants qui ont su construire des ponts, rapprocher les rives et inventer de nouveaux liens. Merci aux jeunes de la troisième et déjà quatrième génération, qui ouvrent des chemins inédits, avec courage et imagination, nous rappelant que l’avenir reste à écrire ».
Une grande implication de nombreux partenaires
L’exposition Belgica Biladi : une histoire belgo-marocaine a été initiée par l’Université libre de Bruxelles (ULB), en partenariat avec la Ville de Bruxelles, et rendue possible à Al Hoceima grâce au soutien de la province et de la commune d’Al Hoceima, de la délégation provinciale de la culture, de l’Association Miramar pour la culture et le développement durable, de l’Association des Marocains des îles Baléares « Al Maghrib », de l’Association Rif pour la presse et les médias, du Cercle des lauréats de Belgique.

Soutien du CCME aux ouvrages d’auteurs, autrices et chercheurs belgo-marocains
Il est à rappeler que le CCME a contribué à la publication entre 2024 et 2025 de sept ouvrages d’auteurs belgo-marocains :
• J’ai deux amours, écrit par 12 auteurs et autrices, coordonné par Fatiha Saidi ;
• Reviens me dire je t’aime de Fatiha Saidi et Said Benali ;
• Moussem Belgica, histoires transnationales de Mohamed Ikoubaan ;
• Entre deux rives. Belgique-Maroc. Histoires parallèles, destins croisés de Hassan Bousetta
• Raconte-le à quelqu’un de Rachida Lamrabet ;
• Échos de la mémoire sur les montagnes du Rif de Fatiha Saidi ;
• Et enfin Belgica Biladi : une histoire belgo-marocaine, coordonné par Ahmed Medhoune, Fatima Zibouh, Andrea Rea et Christophe Sokal.
Par Hanane Mazili