Après deux ans de guerre civile à Damas, Muhammad et Joury, un couple d’universitaires syriens de 33 et 30 ans, ont pris le long et douloureux chemin de l’exil qui les a menés à l’université de Glasgow.
Jordanie, Liban, Emirats arabes unis, Koweït: Muhammad et Joury (des prénoms modifiés pour préserver leur anonymat: NDLR) ont mis plus de deux ans à gagner le Royaume-Uni, pour poursuivre leurs études en première année de thèse en science de l’Education à l’université de Glasgow.
Celle-ci a accepté de les accueillir gratuitement, par l’entremise de la fondation britannique Cara qui aide les universitaires persécutés de par le monde.
Ils évoquent avec émotion leurs deux années passées à l’université de Damas, au début de la guerre civile syrienne, entre mars 2011 et fin 2012. Muhammad enseignait l’anglais à des médecins, des pharmaciens ou des ingénieurs.
« En tant qu’universitaires, nous étions la cible à la fois du régime (de Bachar al-Assad) et des extrémistes », dit-il lors d’un entretien téléphonique avec l’AFP.
« En période de guerre, l’éducation devient politisée. Le gouvernement intervenait en permanence. Il voulait que nous fassions la promotion des idées du régime auprès des étudiants », raconte-t-il.
Les récalcitrants étaient arrêtés, kidnappés ou « disparaissaient sans que l’on puisse poser de question sur leur sort, au risque d’être soi-même arrêté ».
Pas des réfugiés mais des étudiants
» considéraient, quant à eux, ces professeurs d’une université d’Etat comme des affidés du régime.
Menaces et enlèvements de collègues les poussent à fuir fin 2012. Muhammad quitte le pays par la Jordanie tandis que Joury, enceinte, rejoint le Liban. Elle donnera naissance à leur fils au Koweït d’où ils finiront par être expulsés après l’expiration de leur visa de tourisme.
Pendant ces mois d’errance, ils vivotent grâce à leurs économies et aux traductions effectuées sur internet par Muhammad. Ils se rendent alors en Turquie – « le seul pays à ne pas exiger de visa pour les Syriens » – où ils contactent Cara en avril 2014.
« Nous avions des propositions dans plusieurs universités pour étudier en thèse au Royaume-Uni, mais pas les moyens de payer ces études. Cara nous a obtenu deux places à l’université de Glasgow exonérées des frais d’inscription et a couvert nos frais », explique-t-il.
Des garanties pourtant jugées insuffisantes par le ministère de l’Intérieur britannique, qui refuse les visas, mettant en doute leur véritable statut d’étudiants.
« C’était le comble, parce que nous avons tous les deux un Master de l’université d’Exeter (sud-ouest de l’Angleterre) » obtenus en 2009, glisse-t-il.
Le couple fera appel de cette décision, aidé dans ses démarches juridiques par Cara, et parviendra à décrocher les précieux sésames leur permettant de commencer leur formation britannique en janvier dernier.
« Cara nous a pratiquement sauvé la vie, ils nous ont donné de l’espoir, ce qui nous a évité d’emprunter les chemins de traverse, d’avoir recours à des passeurs. Mais nous ne sommes pas des réfugiés, nous sommes des étudiants étrangers », insiste-t-il.
Dans la plus grande ville d’Ecosse, Muhammad a choisi d’axer ses recherches de thèse sur « la formation des professeurs » et Joury sur « l’éducation des réfugiés » afin d’être « prêts à apporter leur contribution le jour venu » où ils rentreront, ils en sont convaincus, en Syrie.
16 sept 2015,Maureen COFFLARD
Source : AFP