Une trentaine d’imams se sont rendus lundi soir au Mémorial de la Shoah à Drancy (Seine-Saint-Denis) pour montrer que l’islam est une religion « d’amour » et de « tolérance », une « image forte » saluée par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.
« A un moment où il y a une montée du racisme et de la peur de l’islam, on dit +non, il est possible de vivre ensemble+ », a déclaré à l’AFP l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, à l’initiative de l’événement.
74% des Français estiment que la religion musulmane n’est pas compatible avec les valeurs de la société française, selon un sondage Ipsos publié dans Le Monde en janvier.
« Aujourd’hui, on montre qu’il y a un islam de France sans influence, sans ingérence et sans fanatisme », a ajouté ce quadragénaire d’origine tunisienne. « On montre l’importance de la vie humaine pour l’islam, qui refuse l’intégrisme, les racismes et la barbarie. »
Les imams en boubous ou djellabahs, venus de plusieurs villes de France avec des responsables d’associations cultuelles, sont arrivés en autocar en fin de journée à l’ancien camp d’internement des Juifs d’où furent déportées près de 70.000 personnes entre 1941 et 1944.
Après le dépôt d’une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes, ils ont été brièvement reçus au mémorial de la Shoah inauguré en septembre, et « remerciés » de leur visite par son directeur Jacques Fredj.
« Ce sont des images très fortes qui parlent mieux que les mots et les discours », a estimé Manuel Valls. « Le monde a besoin de paix et de concorde, de gens qui dialoguent et s’écoutent ».
Des représentants des autres grands cultes étaient présents à la visite qui a été suivie d’un dîner au Centre Culturel de Drancy pour l’Aïd-el-Mouled, fête de la naissance du prophète Mahomet.
Parole publique
« L’Islam de France doit s’organiser pour représenter l’immense majorité des musulmans et laisser parler les voix les plus modernes », a lancé à cette occasion M. Valls, en réclamant à nouveau « des imams formés en France ». « Nous n’avons pas besoin de l’agent des pays étrangers », a-t-il redit.
A l’automne, 17 imams s’étaient déjà rendus en Israël à l’initiative de Hassen Chalghoumi pour prier sur la tombe des enfants juifs tués à Toulouse devant leur école, il y a onze mois, par Mohamed Merah.
Sam Samba, imam dans le XIXe, en était. Ce Malien, soufi, assure que sa « religion est pour la paix ». Il reconnaît que sa démarche n’est pas totalement consensuelle dans la communauté. « Il y en a que cela embête, mais ça m’est égal », dit-il. « Je n’ai peur de rien. »
Les prises de positions de l’imam Chalghoumi, qui était d’accord avec l’interdiction de la burqa et a souvent milité pour l’amitié judéo-musulmane, lui ont valu des menaces sérieuses, si bien qu’il bénéficie en permanence d’une protection rapprochée.
« C’est un engagement pour ces imams, ce n’est pas facile, ils vont se faire insulter sur le net », a prédit l’écrivain juif français Marek Halter, qui a participé à l’événement. « C’est très courageux de leur part. »
« Après quelques initiatives individuelles, on a l’impression qu’une partie de l’islam prend la parole publiquement et collectivement contre l’antisémitisme », a pour sa part noté le directeur du mémorial.
« C’est un message interne pour dire à leurs ouailles +ce n’est pas l’islam+ mais aussi externe pour montrer que la majorité des musulmans de France ne se rangent pas derrière les radicaux », a-t-il estimé.
5 février 2013
Source : Libération