Sous le thème « Le Statut juridique de l'islam en Europe », le colloque organisé les 14 et 15 mars 2009 à Fès par le Conseil de la Communauté marocaine à l'Etranger (CCME) a clôturé ses travaux, établissant un état des lieux de la situation juridique des musulmans en Europe. Plusieurs chercheurs, juristes et acteurs politiques européens et marocains d'origine ont présenté un aperçu de la problématique de la pratique du culte musulman dans des pays « culturellement laïques ».



Pluralités et diversités des intervenant(e)s et des participant(e)s : représentant(e)s d'institutions publiques et d'administrations, des femmes du monde de la politique, d'associations, des praticien(e)s du terrain et des théoricien(e)s universitaires et des chefs d'entreprise, du privé. Venant du monde entier : Europe, Pays Arabes, Afrique, Etats-Unis, Canada et Maroc. Au cours des débats, il y a eu des descriptions des dispositifs en vigueur dans différents pays, des tendances, des monographies, des études de cas, des descriptions de situations individuelles et collectives... qui constituent des échanges de pratiques et de situations. Toutes les interventions et les discussions ont été passionnées et vives, montrant une implication très forte dans la défense de la cause des femmes Il a été évoqué et balayé les situations des femmes de tous les âges, jeunes, mères, âgées ainsi que leurs différents statuts : étudiantes, travailleuses dans le secteur tertiaire, femmes hautement qualifiées, prostituées et femmes à la retraite.


Les participant(e)s ont insisté sur l'invisibilité des femmes tout en précisant les différents contextes : femmes seules, femmes isolées rejoignant leurs époux, étudiantes, travailleuses, clandestines... De même, il a été rappelé que les femmes, dans la plupart des cas, étaient sous le joug d'une triple vulnérabilité sociale, économiques et juridique.


La question du droit a été longuement débattue. Différents problèmes ont été soulevés. Nous citerons dans un premier temps le problème de l'Application de la réforme de la Mudawana aussi bien au Maroc qu'à l'étranger. Des nombreux témoignages associatifs et d'experts juridiques montrent que les femmes marocaines sont inégales devant l'application de la Mudawana. Que cette inégalité territoriale de l'accès aux droits provient d'une part de l'insuffisance de la formation et de la sensibilisation des autorités en charge de ce dossier, et d'un déficit d'accès à l'information pour les femmes sur ce sujet.


Dans un second temps, il a été question des manques de coopération, voire de conventions qui octroient et protègent les marocains à l'étranger. Quand ces conventions existent, elles sont limitées et ne prévoient rien pour les ressortissants qui ont la double nationalité. C'est ainsi que les jugements ne sont pas reconnus. Il a été demandé de faciliter la circulation des décisions juridiques entre le Maroc et les pays tiers pour des situations tels que le divorce, les femmes abandonnées par leurs maris au Maroc, la nécessité de l'autorisation parentale de quitter le territoire pour l'enfant et la question de la Kafala.


Le séjour dans certains pays d'accueil reste lié à la figure du travailleur et l'accès aux droits essentiels tels que l'enseignement, la famille, la sécurité sociale, la participation politique... est tributaire de l'acquisition de ce statut de travailleur. En outre, ces femmes connaissent des situations de précarité liées au durcissement des lois régissant le droit de séjour et l'acquisition de la double nationalité dans les pays d'acc


Notons également, que les femmes sont de plus en plus visibles et ont accès à l'espace public. Elles occupent des postes à haute qualification et à grande responsabilité que ce soit dans les associations, dans les administrations, dans les entreprises et dans les municipalités. Même dans des situations de précarité extrême, les femmes se constituent en réseaux informels de solidarité et d'amitié. Elles participent activement à la lutte contre les discriminations, à la promotion de l'égalité, à l'accès aux droits pour toutes les femmes que ce soit dans le pays d'accueil ou d'origine.



En conclusion, des recommandations ont été fortement exprimées par les participant(e)s :

  • Une meilleure connaissance qualitative et quantitative du phénomène migratoire marocain féminin qu'il soit récent ou ancien : qui émigre, pourquoi, comment ?
  • L'importance de la donne statistique notamment pour certaines destinations tels que les pays africains, arabes et les Etats-Unis.
  • La lutte contre l'analphabétisme sur tout le territoire
  • L'accès à la formation professionnelle des femmes
  • L'intégration de l'approche genre dans l'éducation des enfants et ceci dès le bas âge
  • L'accès à l'information sur les droits



Le CCME est « un pont » entre les pays d'origine et les pays d'accueil notamment dans la prise en compte de la diversité des conditions de vie de la communauté marocaine à l'étranger et qui doit constituer un espace d'échanges de pratiques pour améliorer les conditions de vie, de travail et les aspects juridiques des Résident(e)s Marocains à l'étranger.



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  • Massimo Vari, juriste, professeur, président de section de la cour des comptes, ancien vice-président de la Cour constitutionnelle italienne, Rome, Italie.
  • Francis Messner, juriste, directeur de recherches au CNRS, Strasbourg, France.
  • Stéphane Papi, juriste, chercheur associé au CNRS, Aix-en-Provence, France.
  • José Maria Contreras Mazario, Directeur Général des relations avec les confessions, Ministère de la Justice, Madrid, Espagne.
  • Laurent Touvet, conseiller d'Etat, Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur, Paris, France.
  • Alain Garay, juriste chargé de cours à la faculté de droit et science politique d'Aix-Marseille III, Paris, France.
  • Jaime Rossell Granados, professeur de droit ecclésiastique, Caseres, Espagne.
  • Ruud Peters, professeur de droit musulman, Amsterdam, Pays-Bas.
  • Francesco Zannini, professeur à l'Institut pontifical des études arabes et islamiques, Rome, Italie.
  • Felice Dassetto, professeur émérite, Louvain-la-Neuve, Belgique.
  • Mathias Rohe, juriste, spécialiste de l'Islam, Nuremberg, Allemagne.
  • Muhammad Habibur Rahman, universitaire, Londres, Royaume-Uni.
  • Franck Frégosi, chercheur au PRISME CNRS, Strasbourg, France.
  • Françoise Lorcerie, Directrice de recherche au CNRS, Aix-en-Provence, France.
  • Peter van Koningsveld, professeur d'Histoire de l'Islam en Europe de l'Ouest, Pays-Bas.
  • Catherine Wihtol de Wenden, Directrice de recherches au CNRS, Paris, France.
  • Heidrun Tempel, Déléguée du Ministre Fédéral des Affaires étrangères au dialogue interculturel, Berlin, Allemagne.
  • Salah Echallaoui, inspecteur de l'enseignement religieux, Bruxelles, Belgique.
  • Jacques Rifflet, spécialiste des questions juridiques, politiques, Bruxelles, Belgique.
  • Ivan Jimenez-Aybar, Docteur en droit, spécialiste de l'Islam, Saragosse, Espagne.
  • Mohamed Moussaoui, Président du CFCM, Paris, France.
  • Vaughan Jones, chef exécutif de PRAXIS, Londres, Royaume-Uni.
  • Michel Tubiana, président d'honneur de la ligue des droits de l'Homme, France.
  • José Maria Ferré de la Peňa, Ambassadeur en mission spéciale au Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, Madrid, Espagne.
  • Birgit Simon, Maire d'Offenbach, Offenbach, Allemagne.
  • Roland Ries, Maire de Strasbourg, Strasbourg, France.
  • Marie-Françoise Duthu, Maître de conférences à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Paris, France.
  • José Manuel López Rodrigo, directeur de la Fondation Pluralismo y Convivencia, Madrid, Espagne.
  • Marco Pieroni, professeur, spécialiste du droit et de l'islam, Rome, Italie.


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L'espace « Cultures et Medias » s'est caractérisé par la diversité de profils des intervenants et de la pluralité de leur parcours. Objet et acteur de la création culturelle, les interventions qui se sont succédées dans cet espace ont ouvert les premières pistes d'une réflexion qui gagnerait en approfondissement.


Toutefois, malgré la diversité des interventions, il est possible de structurer leur contenu en trois points. Le premier concerne l'image et les représentations des femmes à travers le produit culturel. Le deuxième traite des limites d'une production culturelle intrinsèque aux femmes. Le troisième a trait à la manière dont l'expérience des femmes d'ici et d'ailleurs peuvent s'enrichir afin de promouvoir la culture et la création des marocaines sur le plan national et international.


L'appréhension de ces trois aspects a permis de souligner plusieurs points :

1- La compréhension du vécu des femmes dans le contexte migratoire dépend duson contexte socio-économique de son départ. La trajectoire migratoire est donc à penser comme une continuité entre le pays d'origine et le pays d'installation ;

2- Les représentations négatives sur les femmes marocaines persistent et cela même lorsque ces femmes arrivent à des postes de responsabilités ;

3- La nécessité pour les femmes de se réapproprier leur voix et leurs représentations ;

4- Le changement perceptible de la place des femmes dans la création. Après avoir été considérée uniquement comme objet dans la création artistique elle est devenue le sujet de la création et revendique désormais son droit à la neutralité.


Cet espace a par ailleurs montré la persistance de plusieurs difficultés rencontrées par artistes femmes :

1- La difficulté d'accéder aux moyens de communication comme la télévision considérée comme un vecteur incontournable de promotion ;

2- La difficulté de sortir des rôles stéréotypés dans lesquels les femmes immigrées sont souvent confinées.


En outre, les plates-formes proposées pour la discussion dans cet espace ont favorisé l'émergence de nouvelles interrogations :

1- La symbolique des objets dans la création au féminin ;

2- Le rôle que peut jouer la loi dans le changement des représentations ;

3- La place de l'écriture féminine ;

4- La promotion de la création féminine et le rôle des médias ;

5- Le rôle de la langue comme vecteur de création.


Enfin trois pistes de recommandations ont été identifiées :

  • Comment promouvoir la production ?
  • Comment accompagner les stratégies de diffusion ?
  • Quel est l'usage des médias ?

 

1- Comment promouvoir la production ?

  • En considérant la culture au sens large, c'est-à- dire comme un ensemble allant de l'art culinaire aux produits qualifiés,
  • En utilisant les possibilités du sponsoring via des partenariats avec le système bancaire et financier pour des prises en charge ;
  • En utilisant la microfinance pour développer les activités et les produits culturels des femmes ;
  • En développant des partenariats entre porteurs de projets culturels, marocaines et marocains de l'étranger, et des projets culturels localisés au Maroc ;
  • En développant l'activité de la production écrite des femmes d'ici et d'ailleurs pour une meilleure prise de connaissance et une large diffusion ;
  • En créant un réseau d'écrivains femmes.

 

2- Comment accompagner cette production pour une meilleure diffusion ?

  • En mettant en place des campagnes de sensibilisation et d'activités de suivi et d'évaluation du produit culturel ;
  • En organisant des foires de promotion des produits des artisans femmes ;
  • En sortant de la perception restrictive des centres culturels pour une vision plus large ;
  • En réduisant les intermédiaires dans la chaine de distribution des produits culturels des femmes, notamment les hommes ;
  • En créant des réseaux de distribution à l'étranger ;
  • En éditant des documents sur l'histoire et la culture marocaine.

 

3- Comment utiliser les médias ?

· En utilisant les médias comme espace d'expression et de paroles des femmes ;

· En tenant compte des spécificités régionales des femmes de l'émigration notamment dans les pays arabes sans pour autant tomber dans un traitement misérabiliste de ces spécificités ;

· En utilisant le site du CCME pour l'écoute de la parole des femmes, et développer des espaces d'écoute notamment pour les femmes en situation de précarité.

 

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Au cours du 14 et 15 mars 2009, le colloque international organisé par le Conseil de la Communauté Marocaine à L'Etranger, par le biais de son groupe de travail « cultes et éducation religieuse » a réuni, à Fès, plusieurs personnalités issues du monde académique, politique, des spécialistes des thématiques relatives à l'immigration et au culte musulman en Europe, ainsi que des acteurs culturels et cultuels.

 

 

A travers une trentaine de contributions réparties sur 4 séances, les participants ont évoqué les principales thématiques du colloque en faisant généralement référence aux réalités juridiques existantes, aux cas pratiques ou bien à des expériences de terrain vécues dans plusieurs pays d'Europe abritant des communautés musulmanes, marocaines en particulier. La valeur extrêmement importante des différentes interventions a été rendue plus bénéfique par le niveau élevé des débats, aussi bien par les questions qui ont été posées par l'auditoire que par les réflexions et les propositions avancées.

 

 

Il serait difficile de prétendre dans une tentative de synthèse comme celle-ci de faire un compte rendu exhaustif de l'ensemble des idées et des questions soulevées aux cours de ces deux jours de travaux. Mais, il serait possible de marquer les « questions phares » qui ont émergé au cours des travaux sans trop s'attacher aux détails :

 

 

 

1. Tous les intervenants et les participants ont salué l'intérêt capital de cette rencontre qui se tient pour la première fois dans un pays de la rive sud de la Méditerranée, à Fès, une des villes de l'espace euro-méditerranéen qui a largement été présente à travers son histoire au cœur des questions soulevées par le colloque. Non pas seulement par la présence d'une grande université Al-Qarawiyyine, mais surtout à travers son rayonnement en Europe et sa forte participation à l'édification d'un islam qui fut à l'origine de la naissance de toute une civilisation que tout le monde admire aujourd'hui, celle de l'Andalousie.

Rien que l'adhésion à l'idée de cette rencontre montre qu'elle répond à un besoin réel ressenti à plusieurs niveaux et chez plusieurs catégories d'acteurs: D'abord chez la communauté musulmane des pays européens, mais aussi chez les instances étatiques chargées de la gestion des cultes et des questions sociales, les institutions chargées de la gouvernance au niveau local, sans parler des milieux académiques. Le thème du colloque ne laisse pas à l'écart les pays d'origine des communautés musulmanes de l'Europe, et par conséquence, on peut dire que cette rencontre s'inscrit pleinement dans les débats stratégiques qui visent à renforcer l'établissement d'un espace euro-méditerranéen fondé sur l'équité, le respect, la reconnaissance mutuelle, la solidarité et le dialogue interculturel.



2. L'originalité du colloque réside, entre autres, dans le fait que les contributions ont pu approcher le thème de l'islam à travers l'angle juridique dans le sens large du terme. Cela a permis de se rapprocher encore plus aussi bien de la réalité des communautés musulmanes des pays européens que celle des organes et centres de décision ayant droit de regard ou bien un poids significatif dans les initiatives officielles marquant l'évolution des statuts, mais aussi de la position de ces communautés dans les sociétés des pays européens.



3. Un constat évident: la dynamique sociale interne des pays européens ainsi que la pression des faits et des événements mondiaux de ces dernières années ont poussé les gouvernements et les institutions ayant lien, de près ou de loin, avec l'espace de l'immigration à poser la question du statut du culte musulman dans ces pays. Les cas évoqués lors des différentes séances ont mis en exergue les différentes expériences menées dans chacun des pays européens et témoignent de la différence des approches, des méthodes et des politiques adoptées pour la gestion du « fait religieux islamique ». Ces différences s'expliquent d'une part par la nouveauté (comparé aux autres religions) de ce fait dans les sociétés, et, d'autre part, par la diversité des systèmes de la laïcité entre ces pays. La séance 2 était particulièrement instructive à cet égard. Ceci dit, le colloque a permis l'échange des expériences et l'ouverture du débat sur les perspectives de l'avenir.



4. Les débats ont porté autant sur l'organisation du culte musulman que sur son statut juridique. Le concept de l'Europe, s'agissant du thème soulevé dans le colloque, a été nuancé. Mais d'autres concepts ont été revisités tel que celui de la « laïcité » qui révèle des différences pratiques entre les états européens notamment dans leur rapport avec le culte musulman.



5. Dans ce débat sur le statut juridique de l'islam en Europe, les enjeux futurs ont été pris en compte. Deux points ont été largement évoqués :

a. Le problème de la représentativité avec tout ce qu'elle implique au niveau de la gestion interne du culte et des rapports de ses membres avec l'état et avec la société. Les expériences présentées montrent que quelque soit le mode de représentativité adopté ou en cours de construction par les différents états, c'est au niveau local que les contacts sont plus intenses et les problèmes liés à la question de l' «  intégration » sont plus sensibles. Tel quel est vécu au quotidien, les interventions ont affirmé sans pour autant nier les problèmes qui se posent, que l'islam est une source d'enrichissement pour l'Europe.

 

b. Le rôle des pays d'origine des communautés musulmanes a été évoqué même s'il n'était pas trop clarifié. Qu'attend les pays européens de ces pays : une neutralité ou une contribution dans la réflexion relative aux problématiques posées ;

 

c. L'éducation et l'enseignement: un volet largement discuté en raison de la place de l'éducation dans la conception d'une société européenne intégrant l'islam parmi ses composantes culturelles, cultuelles et sociales. L'enseignement du culte musulman dans ses rapports avec les autres cultes et dans sa relation avec l'éthique et avec les valeurs de la laïcité..., la formation des cadres religieux (imams, responsables cultuels....) est une voie indispensable pour l'avenir de l'islam en Europe. De même que l'enseignement de l'islam dans un cadre universitaire s'avère de plus en plus indispensable. Il permet à la fois une meilleure compréhension du culte et la mise en place graduelle d'une approche scientifique permettant de penser son actualité et son avenir dans les pays européens.

 

 

Cette première rencontre a permis d'établir un premier état des lieux de la situation juridique du culte musulman au sein des pays d'immigration marqués par une « laïcité culturelle » et de porter un regard croisé sur leurs expériences, d'analyser les avancées, les défis et les contraintes en la matière.

 

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Mesdames et Messieurs,


Je voudrais commencer mon intervention avec une expérience personnelle. Lundi dernier, je suis allée au consulat du Maroc à Amsterdam, ma ville natale, afin de renouveler ma Carte d'Identité Nationale.
Au consulat, on m'a demandé plusieurs documents et informations que je n'avais pas sur moi. Donc, je n'ai pas pu renouveler ma CIN, mais j'ai pu immédiatement obtenir un passeport marocain. En tant que marocaine, née aux Pays-Bas, de la seconde génération, je n'ai jamais eu un passeport marocain. Lorsque le passeport marocain vert m'a été donné, je me suis sentie fière de mon identité marocaine, mais en même temps, j'ai eu le sentiment d' avoir trahi les Pays-Bas, le pays vers lequel mes parents ont émigré et où je suis née. Ces sentiments et ces émotions confuses sont le résultat de l'actuel débat public et politique dans les pays européens, principalement aux Pays-Bas. L'hypothèse dominante dans ces débats est que les migrants et les implications des engagements avec les pays d'origine sont un obstacle à l'intégration dans le pays d'implantation. En outre, la double nationalité est perçue comme étant en conflit avec les intérêts nationaux.


Mes deux passeports, qui sont en fait des documents de voyage, symbolisent mon identité marocaine et néerlandaise, mais ne déterminent pas qui je suis ou ce que sont mes convictions. Avec cette expérience personnelle, je tiens à illustrer deux points importants. Tout d'abord, cet événement, ici à Marrakech, n'est pas incontestable.
Le fait que nous sommes ici aujourd'hui, en train de discuter des droits des femmes, inspire un débat public et politique chaud, dans lequel notre engagement à améliorer la situation des marocaines d'ici et d'ailleurs est assimilé à une déloyauté et une ingérence de plus en plus indésirables de l'Etat marocain dans la vie des migrants. Les partis politiques de droite aux Pays-Bas perçoivent les Marocains impliqués dans l'évolution de la situation au Maroc comme des suspects. Ces mêmes partis politiques pensent que les personnes détentrices de deux passeports devraient rompre les liens avec les pays où ils sont nés, eux ou leurs parents. Leur loyauté est remise en question.



Le deuxième point que je voudrais souligner est que la participation et les engagements dans le pays d'origine ne sont pas propres à la première génération. De plus en plus, nous voyons que les deuxième et troisième générations se sont engagées à contribuer au développement du pays et du peuple d'origine.


Cette manifestation de deux jours, ici à Marrakech, prouve que les décideurs dans les pays européens, en particulier dans les Pays-Bas, ont tort. Je suggère que nous ignorions ces irrationalités paternalistes et xénophobes et que nous continuions notre travail dans la promotion de l'égalité des droits pour les femmes marocaines d'ici et d'ailleurs. C'est ma profonde conviction que tous les Marocains dans le monde entier sont en train de devenir des citoyens de transition avec des engagements forts et des allégeances à la fois au pays de résidence et au pays d'origine.


Les historiens, comme moi, ont tendance à considérer le passé, avant de faire des prédictions sur ce qui est encore devant nous. Si l'on compare l'histoire du mouvement féministe nationaliste marocain avec l'histoire du féminisme et du nationalisme dans les autres pays du tiers-monde luttant pour se libérer de la domination coloniale occidentale, on trouve de nombreuses expériences similaires et parallèles. Dans tous ces pays, les sociétés traditionnelles ont été transformées par l'évolution économique capitaliste. L'émergence du nationalisme et des mouvements féministes a été parmi les résultats de ces changements économiques et sociaux. Plusieurs pays ont connu des mouvements réformistes qui ont appelé à l'éducation des femmes issues de la classe supérieure et les porter hors de l'isolement. La plupart de ces mouvements de réforme ont été socialement conservateurs, ayant pour objectif de renforcer les structures familiales traditionnelles, et donc de maintenir la subordination des femmes au sein de la famille. Dans la même période, la migration rurale-urbaine et les pressions économiques ont "émancipé" les femmes de la classe inférieure, créant un nouveau prolétariat urbain et amenant les femmes à quitter leur foyer pour se joindre à la main d'œuvre industrielle.



Bien que les femmes aient été impliquées dans le débat public qui a accompagné ces premiers mouvements de réforme - au Maroc, Malika El Fassi a commencé à écrire des articles sur l'éducation des filles au milieu des années trente - c'était le nationalisme qui comprenait des groupes de femmes impliqués dans l'action politique. Les mouvements nationalistes ont, pour la première fois, porté les femmes hors de la sphère domestique traditionnelle vers la sphère publique et politique. Mais ces mêmes mouvements nationalistes ont également mis de véritables limites aux mouvements des femmes. Ces messages confondus sur le rôle des femmes découlent des motivations doubles, et parfois contradictoires, des mouvements nationalistes eux-mêmes. D'une part, les nationalistes voulaient expulser les colonisateurs et moderniser leurs sociétés, en s'appuyant sur des modèles européens; des tâches qui ont exigé l'éducation et la mobilisation des femmes. D'autre part, ils ont voulu affirmer une identité nationale séparée et différente du colonisateur, une identité basée sur leur propre histoire et culture. Ceci les a amenés à souligner le rôle primordial des femmes au foyer, au centre de la famille, gardiennes de la tradition.


Après que l'indépendance ait été atteinte, l'Etat-nation établi et le droit des femmes au vote obtenu, les mouvements féministes ont généralement disparu ou se sont transformés en organismes de protection sociale subventionnés par le gouvernement et dirigés par la classe supérieure des femmes. Aucun mouvement organisé n'a essayé de remettre en cause le statut inférieur des femmes dans la famille. Les dirigeants politiques de sexe masculin, qui avaient consciemment mobilisé les femmes à participer à la lutte pour l'indépendance, les remettent maintenant, avec autant de conscience, à leur place habituelle. Au cours de la décennie de l'après indépendance, la conscience des femmes et leur visibilité dans l'arène politique ont sombré à un niveau très bas.
Pourtant, les femmes du mouvement nationaliste et de la résistance armée sont aujourd'hui reconnues comme étant les aïeules du mouvement de la femme marocaine moderne.


A partir du milieu des années 1960, la direction du mouvement des femmes est sortie des mains de l'ancienne génération de femmes qui avaient participé au mouvement de l'indépendance, et les jeunes générations ont pris l'initiative.
À ce moment, un grand nombre de jeunes femmes ont réussi à avoir accès à l'université, où elles ont adhéré à des mouvements estudiantins politiques et marxistes, qui ont fini par devenir une force politique. C'est au cours de cette période qu'un mouvement féministe marxiste a vu le jour, en reliant la cause des femmes à la lutte des classes sociales. Au milieu des années soixante-dix, le mouvement de gauche a établi une liste de revendications des femmes, afin de recueillir des informations sur la situation des femmes au Maroc, et de faire usage des médias pour attirer l'attention sur les questions relatives aux femmes, en reliant l'émancipation de la femme au socialisme.


Mais ce n'est qu'en 1981, année de ma naissance, que le mouvement des femmes marocaines a pris une nouvelle dimension, avec la fondation du «8 Mars ». L'une des plus grandes dirigeantes de ce mouvement est Latifa Jbabdi, qui est un modèle et une source d'inspiration. Avec son groupe, elle a voulu aborder les questions des femmes et présenter une vision des femmes qui avait fait défaut jusqu'alors. Cela a été un grand pas en avant, car c'était la première fois qu'il y avait un discours féministe continu généré par des femmes. Pour la première fois, les femmes ont bénéficié d'une voix pour s'exprimer, et c'est ce discours qui a mis le rôle des femmes dans la Moudawana sur l'agenda politique. Par la suite, le groupe « 8 mars » est devenu une organisation politique appelée l'Union d'action féminine (UAF), qui a été la première organisation politique au Maroc à être dirigée par des femmes, faisant de l'émancipation des femmes sa première priorité.
Jusqu'aux années 1990, l'UAF s'est engagée pour la réforme de la Moudawana et a obtenu une première réponse de la part du Palais Royal. Mais ce n'est que dix ans plus tard que des réformes réelles ont été apportées à la Moudawana.


Pendant ce temps, des centaines et des milliers de femmes marocaines ont quitté le Maroc, principalement dans le cadre du regroupement familial.
Maintenant, peu de temps avant d'entrer dans la nouvelle année, de nombreux développements positifs et des avancées dans le domaine des droits de la femme ont eu lieu. Mais jusqu'à aujourd'hui, le défi le plus important et le plus urgent face à la femme marocaine d'ici et d'ailleurs, ce sont les amendments du code de la famille et la mise en œuvre de ces réformes. La mise en œuvre de ces changements est encore un processus long et difficile. Je crois que dans ce cadre, les organisations de femmes marocaines d'ici et d'ailleurs peuvent se serrer les coudes et travailler ensemble sur ces questions. Non seulement il est important de sensibiliser les femmes et les hommes sur les réformes de la Moudawana, mais il est également important de réunir des experts, des avocats, des conseillers juridiques et des juges, autour de la question des droits des femmes, ici et ailleurs, pour le plaisir de l'échange d'informations et d'expertise sur ces questions. Permettez-moi de vous donner un autre exemple: les femmes battues et la violence domestique sont des problèmes sérieux, ici et ailleurs. L'expertise qui existe en Europe sur des foyers sains et saufs pour les femmes peut être partagée avec les organisations de femmes marocaines au Maroc. En même temps, les organisations de l'extérieur du Maroc peuvent apprendre beaucoup de choses sur la façon de traiter des questions et problèmes culturels et sociaux spécifiques aux femmes marocaines. Les approches et les méthodes qui sont utilisées au Maroc peuvent être facilement exportées vers d'autres pays européens.


Pour ce qui me concerne, cette collaboration est une route à double sens: le Maroc ne devrait pas seulement se concentrer sur l'importation d'idées et d'expertise, mais aussi sur leur exportation.
Les organisations de femmes marocaines en Europe peuvent en profiter et apprendre des réalisations du mouvement des femmes, de l'histoire et de la société civile au Maroc, autant que les organisations marocaines peuvent apprendre de leurs homologues européens. Il est important et crucial dans la formation de notre identité d'être conscientes de notre propre histoire en tant que femmes marocaines. Dans ce sens, nous, en Europe et dans le reste du monde, pouvons apprendre beaucoup de cette histoire. En rassemblant les histoires des femmes marocaines et en organisant des réunions comme celle d'aujourd'hui, le CCME peut jouer un rôle important dans la collaboration internationale sur l'égalité des sexes.


Lors de cette conférence, nous sommes en bonne compagnie de talents et d'excellents chercheurs, de politiciens, de journalistes, de juristes, d'acteurs de la société civile, de militants et de représentantes d'organisations de femmes. Nous avons tous une chose en commun: notre genre.
Le genre est un élément important compte tenu de la prévalence de l'idéologie marocaine changeante des rôles et des espaces séparés pour les hommes et les femmes. Mais nous avons plus de points en commun: notre conviction que nous devons aller au-delà des rôles de genre. C'est cette conviction qui mène tout un chacun d'entre nous à se consacrer à la promotion de l'égalité entre les sexes, dans le respect des libertés individuelles et des différences. Il existe de différentes voies pour atteindre nos buts et nos objectifs, mais si nous travaillons ensemble sur une stratégie collective, nous serons en mesure de réaliser tout cela. Mais n'oublions pas les hommes. Le genre n'est pas sur les questions concernant les femmes seulement. Le genre est sur les mécanismes d'inclusion et d'exclusion. Dans la plupart des cas, les femmes sont exclues de l'espace public politique et social, non seulement au Maroc mais dans le reste du monde. Pour changer ce statu quo et faire un grand pas dans la promotion de la marche de la femme marocaine vers l'émancipation, nous devons rechercher des coalitions avec les hommes. L'égalité entre les sexes ne peut être atteinte que si la mentalité des hommes et des femmes change.


Quelle est la prochaine étape?


Le thème de cette conférence est extrêmement important et marque le début d'une collaboration internationale pour l'égalité des sexes. Nous devons mieux coordonner avec les organisations de femmes marocaines pour renforcer l'émancipation des femmes, ici et ailleurs. Nous avons besoin de plus d'échanges de connaissances et de compétences.
Nous ne devrions pas être dictés par une sorte de stratégie, mais par nos principes. Grâce à ces principes de l'égalité des droits, nous pouvons formuler une stratégie collective sur la base de nos principes communs. Parlons moins et agissons plus et soyons plus pratiques! Car que ce soit ici ou ailleurs, il nous reste un travail énorme à faire. Continuons à organiser des réunions comme celle-ci, et à partager et à échanger les idées et les pensées. Que ceci soit le début d'un long voyage.


Mesdames et Messieurs, le monde est ce qu'il est; les hommes et les femmes qui n'ont rien, qui ne se permettent de devenir rien, n'y trouveront pas leur place. Faisons un effort commun et considérons que c'est notre responsabilité collective de veiller à ce que toutes les femmes et les hommes, ici et ailleurs, jouissent du respect et de l'égalité dans ce monde.


Je vous remercie.


Nadia Bouras, membre du CCME



 

On m'a demandé de faire un témoignage. Exercice difficile, vu la richesse et la densité du programme, la qualité et le nombre des participantes.

Mon propos ici n'est pas de vous livrer une analyse ou une synthèse des deux journées mais

Il s'agit plutôt de partager avec vous quelques impressions, et des questionnements qui m'ont interpellé


 

1 - D'abord des impressions sur le déroulement de ces deux journées d'échanges et de débats

  • Une atmosphère conviviale, non formelle qui facilite les échanges et les rencontres
  • Un nombre impressionnant de participantes.
  • Un programme dense,
  • Une forte participation.
  • Des témoignages d'une vibrante intensité
  • Des exemples de dépassement de soi, de courage
  • Des débats riches qui ont mis en en lumière des expériences, des recherches, venant d'horizons divers dans les domaines politique, social, économique, culturel
  • Des débats qui ont su dépasser certains tabous,
  • Des échanges parfois houleux, où l'on a opposé la marocaine d'ailleurs à celle d'ici, où l'on a opposé la langue arabe aux autres langues parlées.
  • Des débats et échanges qui n'ont pas comblé toutes les attentes des participantes, qui ont en frustré certaines. En effet, les attentes sont multiples : SOIF de rencontres, SOIF de (re)connaître l'autre et de se faire (re)connaître, SOIF d'échanger dans le respect mutuel, SOIF d'être informé en temps réel sur les avancées et les défis du Maroc, BESOIN de s'impliquer efficacement aux chantiers initiés, BESOIN D'ETRE EN LIEN AVEC LE MAROC.....

Des débats empreints d'une Forte charge émotive

 

2- Des Questionnements qui m'ont interpellée ?

Marocaines d'ici et d'ailleurs : Qui sommes - nous ET qu'est ce qui nous unit ?

  • Des femmes nées au Maroc ou ailleurs
  • Des femmes vivant au Maroc ou ailleurs
  • Des femmes parlant des langues différentes, certaines ne parlant pas l'arabe
  • Des femmes ayant des parcours, des vécus, des trajectoires de vie différents
  • Des femmes ayant des expériences et/ou des expertises variées
  • Des femmes ayant des perceptions, des représentations, des attentes et des aspirations parfois différentes


DIVERSES ET PLURIELLES MAIS LIEES PAR notre MAROCANITE

  • un fort attachement et un sentiment d'appartenance à un pays, le Maroc
  • une mémoire historique et culturelle commune : nous appartenons à une civilisation plus que millénaire (depuis la préhistoire), à la fois arabo-musulmane, amazigh, judaique, africaine, antiquo-romaine...Une Culture riche plurielle, diverse et variée où les religions, les langues, les traditions ont toujours vécu en symbiose.... Une spiritualité riche et un Islam Tolérant ....Une Histoire et une Culture ouverte sur le Monde ..... Une Histoire et une Culture où l'apport des Femmes a été considérable depuis des siècles ( Fatima Al Fihria, Kenza al Awrabia, Zineb Nefzaouia..... Malika Al Fassi....) et continue à l'être
  • le partage des mêmes valeurs : tolérance, respect, dignité, liberté, égalité, équité, justice, solidarité, hospitalité et ouverture


DIVERSES ET PLURIELLES MAIS LIEES PAR LE MEME COMBAT:

  • le même engagement : la lutte pour les Droits Humains (Femmes)
  • les mêmes défis à relever dans un monde globalisé, en constante mutation, avec une grande mobilité des populations, un monde en pleine crise : crise identitaire, crise financière, crise sociale, montée des extrémismes et des xénophobies, gestion sécuritaire des flux migratoires.
  • Comment s'intégrer ? Comment conserver sa marocanité et la transmettre à ses enfants, tout en vivant dans la modernité, que ce soit au Maroc ou ailleurs ?


DIVERSES ET PLURIELLES MAIS LIEES PAR LE MEME REVE:

  • un Maroc, un Etat de Droit, où l'égalité des chances et des opportunités est accessible à Toutes et à Tous, sans discrimination aucune, où les Femmes sont considérées comme des CITOYENNES A PART ENTIERE
  • un Monde Tolérant, ouvert sur l'autre, où l'on peut circuler librement, où l'on peut s'intégrer aisément et où les Droits Humains sont respectés


 

Questionnement - Rôle du CCME ?

En organisant un événement d'une aussi grande envergure, le CCME a initié une dynamique qui s'inscrit dans le moyen et le long terme.

Pour ce faire, le CCME, aura à mon avis à :

  • Instaurer de manière pérenne, un ESPACE DE DIALOGUE, d'ECHANGES, de CONCERTATION
  • (rencontres, visioconference ; internet..)
  • Réaliser un mapping de toutes les personnes ressources et initiatives d'ici et d'ailleurs
  • Mettre en place un système d'information aisément accessible, permettant de prendre connaissance des situations, des initiatives, des réformes, ....
  • Accompagner la mise en réseau, le partenariat entre femmes, groupes, associations ....


 

En conclusion

Nous sommes toutes Marocaines d'ici et d'ailleurs

  • Nous sommes à la fois citoyennes marocaines et citoyennes du monde.
  • Car nous partageons les valeurs universelles des Droits Humains et de la citoyenneté.


Nous sommes toutes Marocaines d'ici et d'ailleurs

  • Marocaines, différentes et une à la fois,
  • Marocaines, conscientes des défis et engagées à les relever


Nous sommes toutes Marocaines d'ici et d'ailleurs

  • Car nous portons en NOUS une part de Marocanité que l'on a hérité et que l'on contribue à enrichir.
  • Une Marocanité millénaire, une Marocanité plurielle, Une Marocanité tolérante, Une Marocanité ouverte sur le Monde.


Marocaines d'ici et d'ailleurs et Fières de l'Etre !

 


Najat M'jid, Raporteur spécial aux Nations Unies sur la vente des enfants

 


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Après la fermeture de l'usine Renault à Billancourt en 1992, quelques anciens travailleurs de l'Ile Seguin se réunissaient de manière tout à fait informelle. L'objectif était double : garder un lien entre eux, par solidarité, mais aussi pour surmonter le traumatisme lié à la fermeture.


 

Nous sommes des parents, des travailleurs sociaux et des chercheurs issus ou non de l'immigration marocaine. Nous avons constaté que, d'une part il y a une forte demande d'apprentissage de la langue arabe et que d'autre part chez les jeunes issus de l'immigration marocaine  la demande de transmission des valeurs est très forte, signifiant ainsi leurs besoins de repères fondamentaux pour se construire et définir leur identité. Nous avons en commun la conviction que ces enfants, ces jeunes, pour devenir des citoyens responsables, entreprenants et utiles à leur pays, doivent non seulement maîtriser parfaitement la culture française mais également la culture du pays d'origine de leurs parents ou grands-parents.


Des cours d'arabe sont proposés actuellement  d'une part, dans le cadre du programme Langues Culture Origine (LCO) mais dispensés principalement  dans les écoles des quartiers sensibles ; avec un temps imparti aux LCO d'une heure seulement par semaine donc trop léger pour un programme aussi ambitieux. Et d'autre part, la langue arabe est aussi  enseignée dans le cadre des associations religieuses et dans les mosquées donc réservée aux musulmans.

En ouvrant l'apprentissage de l'arabe hors du contexte religieux, nous pouvons accueillir les enfants de toutes origines, de tous milieux sociaux et ainsi créer un espace de mixité sociale, de tolérance, d'ouverture culturelle et religieuse.

Il nous paraît aussi important d'isoler notre initiative de toutes lectures politiques et religieuses, privilégiant ainsi une approche culturelle ouverte, valorisant l'apprentissage d'une langue et d'une civilisation qui souffrent d'un regard stigmatisant. Nous souhaitons nous situer dans une posture favorisant une pédagogie des regards croisés.


En outre, une bonne connaissance de la langue et la civilisation arabe pour la jeunesse de demain. Contribuera à abattre les murs de l'incompréhension dont les fondations sont l'ignorance et la peur de l'inconnu.

Pour ce faire, nous avons donc constitué une association que nous avons dénommée « la maison d'Averroès ».

L'association a juste un an d'existence et déjà deux cours se déroulant à Dreux et accueillant des enfants marocains en majorité, mais aussi des enfants d'origines, de milieu social et de religions différentes aussi bien français de souche qu'issus de l'immigration ou de mariages mixtes.


Notre souhait est  que cette initiative puisse être exportée sur d'autres villes, voire d'autres pays. Actuellement, nous avons été approchés, lors du colloque organisé par le CCME, pour des projets similaires en France, aux Pays Bas et au Canada.



Naïma M'Faddel

Présidente

Directrice centres socioculturels

Sociologie appliquée à l'action sociale


Rachid Benzine

Vice-président

Universitaire, écrivain

Spécialiste de l'Islam


Secrétaire : Olivier Roy

Directeur de recherche au CNR, écrivain

Politologue - spécialiste de l'islam


Secrétaire adjoint : Hafid Ntidam

Chirurgien


Trésorier : Eugène Henri Moré

Consultant politique de la Ville


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La contribution économique de « la » MRE : cas du Royaume Uni


Comme l'a dit Margaret Thatcher
"If you want something said, ask a man; if you want something done, ask a woman. "
"Si vous voulez que quelque chose soit dite, demandez a un homme , Si vous voulez que quelque chose soit faite, demandez a une femme ».


Donc l'objet de l'intervention sera d'essayer de dire :

  • en quoi la migration des femmes marocaines vers le Royaume Uni est différente par rapport aux autres pays Européens
  • que sa contribution économique et financière est plus importante lorsque l'environnement politique, social et économique dans lequel elle évolue lui est plus favorable
  • un certain nombre de recommandations pour développer un lien différent qui ne se base plus seulement sur les transferts mais sur d'autres types d'investissements économiques et sociaux au Maroc.


Il existe très peu de statistiques et de recherche sur la migration féminine marocaine au RU. De ce fait nous avons base notre approche sur notre expérience et sur des données empiriques recueillies a travers plusieurs interviews de femmes marocaines établies au RU.


Brève histoire de l'immigration au RU

  • Historiquement et a la différence d'autres pays européens les femmes ont depuis le départ été plus nombreuses que les hommes dans la population immigrée en Angleterre.
  • la 1ere vague d'immigration a lieu au début des années 60 et concerne surtout des femmes sous contrat de 2 ans avec attribution d'un permis de travail et destinées a travailler dans le secteur agricole (cueillette de fruits et légumes) et en provenance essentiellement des régions de Berkane et Meknès.
  • la 2eme vague a lieu vers le milieu des années 60 avec des contrats de travail offerts dans le Nord du Maroc, particulièrement la région des Jbala (Khmiss Sahel, Beni Gharfet, Beni Arouss), Larache, Asilah ,Tetouan et Tanger et aussi une petite communauté de Meknes et Oujda. Ce mouvement a concerne plus les femmes, pour des emplois dans les secteurs de l'hôtellerie et les hôpitaux tout particulièrement.
  • Nous ne pouvons pas passer sous silence une petite vague d'immigration représentant plusieurs centaines de femmes recrutées comme call girls principalement a Casablanca et El Jadida a partir de 1977 et jusqu'à la mise en place du visa par l'Angleterre vers 1987. Ce mouvement correspondait au boom suivant les chocs pétroliers de 1973 et surtout celui de 1979 et a la volonté du Royaume Uni d'attirer les investisseurs des pays arabes du Golfe.


Type de migration et place de la femme immigrée dans la société Britannique :

  • la plupart des femmes migrant vers le RU venaient en tant que célibataires à la différence d'autres pays européens ou les femmes émigrent avec leur mari ou le rejoignent. Dans ce dernier cas la tendance est à la reproduction au sein de la famille des relations calquées sur les pratiques du pays d'origine. Même lorsque ces femmes travaillent elles sont souvent le seul soutien économique de la famille, le mari étant fréquemment au chômage, et de ce fait leur contribution économique au pays d'origine est moindre.
  • Par contre les femmes MRE en Grande Bretagne sont le plus souvent arrivées seules. Certaines sont restées seules ou se sont mariées à des non marocains. D'autres sont à l'origine du regroupement familial en ouvrant au mari, résidant au Maroc, la voie de l'immigration.


De ce fait la femme jouit d'une position plus favorable, sur le plan décisionnel et au niveau de son autonomie. Elle est plus actrice du changement et de l'intégration.

  • Le fait que la société britannique soit plus tolérante, plus cosmopolite , plus riche culturellement et surtout avec une dualité britannique-non britannique beaucoup moins prononcée que d'autres pays européens , va rendre plus facile l'ascension de la femme marocaine.
  • la catégorie socio-professionnelle de la femme marocaine au RU a énormément évolué de génération en génération : rarement simple femme au foyer elle était le plus souvent et dés le départ une employée venue avec un permis de travail.


Etant très ambitieuse pour l'éducation des ses enfants, elle assure aussi la continuité culturelle et un enracinement de l'identité marocaine.


De ce fait une partie non négligeable des marocaines de la 2eme génération occupent des positions de cadre dans divers secteurs (banques, cabinets d'avocat, entreprises multinationales, enseignement supérieur, organisations non gouvernementales, etc......).

Dans plusieurs pays européens, exemple de l'Allemagne et de la France, le secteur public, en particulier les services sociaux et hospitaliers sont fermés aux immigré(e)s ne disposant pas de la nationalité du pays d'accueil, mais ce n'est pas le cas au Royaume-Uni. De ce fait les femmes immigrées ne se concentrent pas dans le secteur domestique informel, et bénéficient d'une plus grande protection légale sur le marché du travail.

Les marocaines du RU sont représentées dans le commerce, les activités immobilières et financières, dans le secteur public, dans l'éducation, la santé et les services sociaux.


Investissement et attachement au pays :

La femme semble plus attachée que l'homme à sa patrie d'origine par le lien familial, culturel et économique (achat de la maison ou de terrain, affaire personnelle, ...).

A titre d'exemple la plupart des maisons de Larache ont été construites après la fin des années 60. Ces maisons, pour la plupart a 3 niveaux dont 1 a 2 réservés a la location, étaient finances en plus grande partie par la femme .Cet investissement au Maroc se faisait au détriment de leur qualité de vie au RU car la plupart louaient des logements sociaux au lieu d'acheter leur logement dans le pays d'accueil.

Concernant la 3eme génération un rapport datant de 1997 de la North Westminster Community School, ou est concentrée un nombre important d'élèves d'origine marocaine souligne que les filles marocaines réussissent beaucoup mieux aussi bien par rapport aux garçons marocains qu'aux aux autres groupes ethniques.


Le cas des marocaines diplômées venues récemment de France pour travailler en Angleterre :

  • mouvement qui a démarré vers le milieu des années 90 .Face a la discrimination a l'embauche et dans le travail a l'encontre des élites d'origine maghrébine en France, plus d'un millier de marocains, dont plus du quart sont des femmes , ont choisi de venir vivre et travailler au Royaume Uni.
  • Il existe un décalage sensible entre les 2 pays du fait que les candidats a un poste ne sont pas juges sur leur couleur de peau, leur patronyme ou leur adresse en banlieue, mais sur leur compétence et leur rigueur avec une spécificité des marocains qui ont au niveau de la City bancaire une réputation de matheux.


La plupart de ces femmes ont une formation d'école d'ingénieur ou d'école de commerce et beaucoup d'entre elles s'occupent de vente dans les salles de marché et certaines se spécialisent dans les modèles mathématiques prisés par les banques d'affaire.

  • Londres est la capitale financière Européenne et l'incitation financière est importante du fait que les salaires + bonus avec moins de 5 ans d'expérience peuvent atteindre facilement 250.000 £ en moyenne par an avec des pointes pouvant atteindre et même dépasser 1 M £.
  • un phénomène intéressant est qu'avec la crise actuelle certaines d'entre elles ont du quitter Londres pour aller travailler dans diverses institutions financières situées dans les pays du Golfe, en particulier Dubaï, Bahreïn et Abu Dhabi. Nous ne pouvons que mettre en évidence le rôle de ces femmes marocaines pour changer l'image de la femme marocaine dans les pays du Golfe.
  • la défense des droits de la femme au RU peut être mise en évidence par la compensation de 10 millions de livres sterling (plus de 12 millions €) obtenue il y a quelques semaines par les deux sœurs jumelles marocaines qui poursuivaient leur ex-employeur, le courtier TSAF à Londres, pour discrimination religieuse, raciale et sexuelle.

Ce niveau de compensation n'est pas pensable dans d'autres pays européens.


MRE en Grande Bretagne et Transferts d'argent

  • le nombre de MRE au RU s'élève à prés de 60.000 personnes disposant à prés de 70% de la nationalité britannique et concentrée pour la plus grande partie dans la région de Londres. Prés de 65 % de ces MRE sont des femmes.
  • les transferts MRE en provenance du RU représentent à fin 2007 prés de 2,5 milliard dh, soit prés de 4 % de l'ensemble des transferts MRE vers le Maroc. A signaler que ces transferts dépassent ceux de l'Allemagne qui dispose d'une population MRE bien supérieure.
  • Selon le Bureau de la Banque Populaire qui a ouvert au consulat en 1980, mais qui était présent de manière indirecte en Angleterre bien avant, des le départ  la majorité de la clientèle était des femmes et cette tendance ne s'est jamais démentie depuis.
  • D'après notre expérience depuis 1997 et le recoupement avec celles des responsables des autres banques marocaines établies au RU nous pouvons avancer sans gros risque de se tromper que « la » MRE représente  entre prés de 65 % des comptes et des transferts d'argent vers le Maroc (soit prés de 1,5 milliards de dirhams à fin 2007 à partir du seul RU).


Conclusions et recommandations

  • Egalité hommes-femmes: Le Maroc classé 125e

Selon le dernier classement mondial sur l'inégalité homme-femme, publié jeudi 8 novembre 2008 par le World Economic Forum, organisateur du forum de Davos (Suisse), Le RU a régressé de 2 places et est classé 11eme mais a toujours fait partie des 10 premiers pendant très longtemps.

La France a fait le plus important bond, soit 36 places, pour se classer 13eme contre 51eme l'année dernière grâce a une amélioration concernant l'égalité des salaires, et le % des femmes législateurs, haut fonctionnaires, responsables d'entreprises, parlementaires et ministres.

le Maroc figure a la 125eme sur 130 pays, avec le Yémen et l'Arabie Saoudite qui ferment la marche.

La question qui se pose est de savoir comment la femme marocaine au RU ou dans d'autres pays européens pourrait aider à changer le classement catastrophique de notre pays. Les représentantes du CCME ainsi que les femmes d'origine marocaine qui occupent des postes de responsabilité dans le secteur public et prive ont une expérience très riche en enseignements qui doit être prise en considération pour toute stratégie de développement de la société du Maroc.

  • La contribution financière des femmes MRE va elle continuer indéfiniment ? rien n'est moins sur.

Les femmes de la 3eme génération ne compte pas rentrer définitivement au Maroc, en raison de plusieurs décalages (barrière de la langue anglaise qui est encore peu parlée au Maroc par rapport au français, droits de la femme, travail, environnement socio- culturel, mentalités....).

Elles vont effectuer moins de transferts de solidarité vers l'arrière grand mère ou la famille éloignée. Comme le montre le cas du Mexique elles seront attires par des investissements ciblés.

  • une des priorités des représentants du CCME et du ministère est de faire du brain storming pour mettre en évidence les opportunités d'investissement qui sont offertes au Maroc et comment les packager pour les offrir a la communauté a l'étranger.
  • on a besoin au niveau du Royaume Uni d'une structure pour orienter et faciliter les procédures administratives de l'investissement au Maroc. A signaler que la Tunisie dispose au Royaume Uni d'une telle structure. Cette structure devrait donner une importance particulière a l'investissement immobilier car en donnant un large choix, en facilitant les procédures administratives et s'occupant de la location éventuelle des biens immobiliers achetés, car beaucoup de ces logements seront des résidences secondaires achetés par les 3eme générations et suivantes dans le « pays des parents »Conclusions et recommandations
  • encouragement a la création au Maroc d'entreprises basées sur un transfert de savoir. Les incitations a l'investissement sont multiples et comprennent aussi bien l'attribution de terrains et locaux , que des exonérations fiscales en passant par la création d'infrastructure et la formation de la main d'œuvre locale.
  • partenariats des MRE avec les association marocaines pour des projets concrets : un tout petit exemple concerne le centre de dialyse a Mont Aroui avec hôtel pour les malades venant de loin. Dans ce cas la contribution du ministère de la sante et des associations locales concerne le recrutement de médecins, l'entretien de l'hôpital, etc....
  • accords bilatéraux pour les soins de sante en faveur des MRE du 3eme âge désirant passer leur retraite au Maroc tout en recevant une couverture de soins de sante du RU. La aussi nos voisins Algériens et Tunisiens ont une longueur d'avance sur nous. Ce serait aussi un moyen d'attirer les générations futures vers un pays qui prend soin de leurs parents et grands parents.
  • Possibilité d'investissements collectifs regroupant une multitude de MRE. Il s'agirait de sortes de fonds de placement pour des projets spécifiques dans divers secteurs et gérés d'une manière efficace :exemple achat d'une seule chambre dans un projet d'hôtel avec participation aux bénéfices, projets agricoles structurés, projets industriels ou autres ciblant les régions d'origine des MRE, .....
  • Enfin le tissu associatif à l'étranger est un puissant moyen de vendre le Maroc auprès des gouvernements, entreprises et décideurs de toutes sortes. Par exemple il est aberrant que la British Airways ait supprime ses dessertes sur le Maroc, 2 par jour, alors qu'elle maintient ses vols sur l'Algérie et la Tunisie qui enregistrent pourtant un trafic beaucoup moins élevé. Si le Maroc avait un lobby puissant cette décision aurait pu être remise en cause.


L'enjeu fondamental pour notre pays est de développer un lien différent qui ne se base plus seulement sur les transferts. Tout dépendra de l'environnement que l'on aura préparé au Maroc pour attirer d'autres formes d'investissements, développer le tissu associatif et prendre en charge le 3eme âge. Si cet environnement n'est pas propice, ces marocains au lieu de devenir des « têtes de pont » a l'étranger préféreront investir et aussi s'investir localement ou dans d'autres pays plus incitatifs, et malheureusement bien loin du Maroc.


Le CCME a de ce point de vue énormément de pain sur la planche.

La femme a aussi un rôle essentiel a jouer, ne serait ce que parce que comme on dit chez nous :

« Ali bghatou lala mimouna, bghah lakrim moulana » !


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