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Écrivains Marocains du monde et pluralité de la langue de création

dimanche, 10 février 2019

Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) a organisé, dimanche 10 février 2019 dans le cadre du Salon du livre de Casablanca, une table-ronde sur la pluralité des langues de création des écrivains Marocains du monde. Kamal Benkirane (Canada), Nadia Dala (Belgique), Esther Bendahan (Espagne), Intissar Haddiya (Maroc) et Majid Blal (Canada) ont animé cette rencontre modérée par Mina Rhouch, membre du CCME.

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Intissar Haddiya : perdre sa langue maternelle  c'est risquer de perdre sa culture d'origine

S’exprimant lors de cette rencontre, Intissar Haddiya, médecin néphrologue et écrivaine, a expliqué l’importance de composer des récits dans la langue maternelle qui “joue un rôle primordial et essentiel dans la construction de l'identité de l'individu” : “perdre sa langue maternelle  c'est risquer de perdre sa culture d'origine”.

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Elle affirme néanmoins que l’expression dans une langue étrangère peut aussi être utile puisqu’elle ”permet d'avoir plus de distance et de liberté avec les mots que l’on utilise” et que les écrivains en langues autres que maternelles sont souvent “considérés comme des exilés du langage”.

“L'immigration linguistique est une source de richesse” a-t-elle conclu, surtout pour les écrivains marocains qui “portent en eux l'identité plurielle aux affluents multiples” : “écrire en langues autres que l'arabe crée des ponts entre les cultures qui se rencontrent en terre d’immigration”.

Majid Blal : l'écrivain en immigration est cosignataire de la mémoire

Pour Majid Blal, “écrire c'est transmettre une sensibilité derrière les mots que l'on choisit”. Il expose dans son intervention l’environnement dans lequel il donne naissance à des écrits qui “interpellent sa mémoire et son histoire”.

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“Le tissu socio-démographique traduit la diversité de la société québécoise et encourage la création littéraire qui est un moyen essentiel de l'interculturalité”, explique-t-il rappelant une citation de l'écrivain Mohamed Kheireddine “je suis devenu multiple” pour exprimer “les différentes mutations de l’identité en immigration”.

Selon Majid Blal, “l'écrivain en immigration est cosignataire de la mémoire qui raconte les essais d’une intégration et les aspirations de toute une communauté” quand “le besoin de laisser des traces devient vital”.  

“Tous les écrivains en langue étrangère sont donc des médiateurs car ils rapprochent les cultures entre elles qui sont elles-mêmes porteuses de valeurs et de conscience”, facilitant ainsi l’existence et le vivre-ensemble dans “un espace universel commun qu’est l’imaginaire”. D’ailleurs “décloisonner les imaginaires c'est décloisonner les sociétés des préjugés et des stéréotypes qui ralentissent les processus de vivre-ensemble”.

Kamal Benkirane : s’exprimer dans la langue de l’autre c’est faire face au repli identitaire

Kamal Benkirane fait quant à lui la différence entre l’interculturalisme et le multiculturalisme au Canada : “l’interculturalisme permet aux cultures différentes d’exister dans un espace partagé alors que le multiculturalisme c’est reconnaître que l’identité canadienne est construite par la fusion de toutes les identités et les cultures qui composent la société”.

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Il a en ce sens exposé quelques actions de l’association qu’il préside, “passerelles”, pour “promouvoir l'échange et donner la parole à l'autre” qui est selon lui “un engagement pour la tolérance”.

Il met aussi en exergue l'importance d’apprendre la langue : “l'écriture dans la langue étrangère est un moyen de médiation entre les différentes cultures et un moyen efficace et essentiel pour faire connaître sa propre culture” : “Kateb Yassine disait j'écris en français pour dire aux français que je ne suis pas français”.

Apprendre la langue et la culture de l'autre c'est aussi “faire face au repli identitaire puisque la  langue est un vecteur de paix dans la mesure où elle facilite le partage d'un espace et d'un imaginaire commun”. On parle ici de “tolérance linguistique”.

Esther Bendahan : la communauté sépharade est un exemple du vivre-ensemble marocain

Pour Esther Dahan, son écriture est porteuse d’une culture plurielle “marocaine, espagnole et juive sépharade”.

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La langue d’écriture ou d’expression “ transporte sans doute notre histoire et porte les vestiges des cultures qui nous traversent”, affirme-t-elle.

Elle explique lors de son intervention que la langue espagnole qu’elle parle au sein de sa communauté est une “langue d’exil où prend corps une culture marocaine hébraïque du nord du pays”, assurant que  “la communauté sépharade est un exemple du vivre-ensemble marocain”.

Esther Bendahan précise que si “une langue subit des changements et des mutations c’est parce qu’elle exprime des identités en pleine mouvance”. Une bonne nouvelle d’ailleurs car  “c'est grâce à ce changement se l'on rencontre l'autre”.

Nadia Dala : découvrir les langues étrangères c'est avoir accès aux subtilités des différentes cultures

Dans son allocution, Nadia Dala a mis en avant le caractère libre de la langue : “ la langue et la littérature sont libres des contraintes et sans restrictions, elles existent pour faire passer des récits universels”.

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Elle explique que la “ littérature est transcendante et peut être traduite dans plusieurs langues” et que “découvrir une autre langue c'est avoir accès aux subtilités des différentes cultures”.

Elle fait part au public d’une expérience éloquente en ce sens : “j'ai fait des visites dans les écoles en Belgique pour exposer les récits de mon deuxième roman en néerlandais pour inciter les jeunes à découvrir leur langue d'origine” et précise que la rencontre avec l’autre doit aussi se faire dans la vie réelle car “la communication verbale peut traduire la beauté de la langue mais les gestes de la communication non verbale portent toutes les tonalités qui diffèrent d’une culture à une autre”.

CCME

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