vendredi 19 avril 2024 22:05

Le “Maroxellois” Moustapha Zoufri, un artiste qui libère les lettres, déstructure les formes !

Bruxelles- Ses toiles sont des partitions de musique. Ses notes sont des lettres, des traits, des formes géométriques, qui se bousculent mais cohabitent. Parsemées ici et là, jamais agencées, figées, les lettres de Moustapha Zoufri, cet artiste plasticien marocain établi à Bruxelles, se refusent de se diluer dans le moule qu’aurait préconçu un calligraphe, un puriste.

Telle sa conception de l’art, de la vie, les œuvres de ce plasticien aux multiples talents (peinture, sculpture, gravure, sérigraphie) sont libres par quintessence, par vocation aussi. Car, c’est la liberté, l’ouverture, la destruction des stéréotypes, le dépassement du figé qui font, selon lui, la différence entre un artiste et un artisan.

“Nous partons de nos racines certes, mais nous ne devons pas simplement tourner autour. Nous devons créer quelque chose qui appartient à notre époque”, explique ce quinquagénaire qui a posé ses valises -sa passion avec- à Bruxelles à l’âge de 18 ans.

Sa dernière exposition, composée d’une vingtaine de toiles accrochées sur les cimaises de la maison des cultures maroco-flamande à Bruxelles, en dit quelques bribes, même un peu plus, sur cette conception artistique de Moustapha Zoufri. En “calligraphe émancipé” qu’il en a l’air, l’artiste laisse libre cours à ses lettres iconiques flexibles, légères, qui s’échappent du carcan calligraphique pour s’apparenter plutôt à une partition musicale.

Toutefois, chez l’artiste Zoufri la liberté du mouvement ne veut pas dire anarchie. Car, comme en musique, les touches en apparence hasardeuses débouchent sur une symétrie bien lisible entre les différentes parties de la toile, une sorte de mosaïque envoutante.

Ce travail bien atypique est en effet le fruit d’une trentaine d’années des recherches artistiques, qui se sont étalées sur deux périodes, comme il l’explique dans un entretien à la MAP.

D’abord, après sa formation académique à l’Académie royale des beaux arts de Bruxelles et à l’Ecole supérieur des arts visuels de Mons, il a travaillé sur la mosaïque moresque et arabo-musulmane, en particulier sur la naissance des formes via l’exercice géométrique et arithmétique (carré magique / carré de l’harmonie).

Son apport a été de remplacer les tracés réguliers par des mots arabes dépouillés de leur sens littéraire. Et une fois la trame des mots tracée, il choisit ses couleurs arbitrairement pour exprimer des sujets empruntés à la Nature, à un évènement, à la Spiritualité ou à la Culture.

Ensuite, il s’est penché sur l’abstraction lyrique, influencé en cela par Gérard Schneider, Matisse, Paul Klée, Kandinsky, Miro ou encore Belkahia.

“J’ai essayé au début de cette recherche d’agrandir quelques détails de mes peintures lettristes et j’ai obtenu des tableaux complètement abstraits. Avec le temps j’ai abandonné les mots pour m’exprimer dans des formes purement abstraite et lyrique”, résume-t-il.

A scruter ses tableaux, difficile aujourd’hui d’isoler telle ou telle approche. Car l’artiste Moustapha Zoufri passe d’un style à l’autre avec une maitrise de maitre.

Arrivé à ce stade, l’artiste poursuit, sous le ciel gris de Bruxelles, ses tentatives d’adoucir l’austérité du climat par une généreuse palette de couleurs qui entrainent les lettres sur le chemin de la flexibilité.

Dans ce jeu d’harmonies colorées qui s’encastrent dans la calligraphie libre de Moustapha Zoufri, l’on y voit une efflorescence fertile. C’est le regard porté entre autres par le critique international d’art, Jo Dustin, qui voit dans les toiles de Zoufri des “rouges, des bleus, des verts, des jaunes, des mauves qui organisent une sarabande de climats, de séquences, de parcelles actives, où l’on peut visiter des noyaux de vie en pleine exubérance, où se rassemblent des variations chromatiques inattendues, inventives, qui façonnent un ensemble cohérent et dynamique, loin de toute tiédeur vitale”.

Quand il n’est pas au chevet de ses lettres, de ses toiles, l’artiste s’adonne à ses autres talents de sculpture et gravure notamment. Sinon, il se plait à transmettre sa passion plurielle aux jeunes de Molenbeek, ou le “petit Maroc”, un quartier bruxellois connu par la forte concentration de Marocains résidant en Belgique.

Une fresque murale à l’entrée de l’école 10 de Molenbeek en témoigne. Sous la direction de Moustapha Zoufri, des élèves ont participé à un exercice de mathématiques, avec beaucoup d’enthousiasme -pour une fois- lequel a évolué vers des formes, des géométriques à partir desquelles ils ont élaboré une composition qui a donné lieu à une mosaïque sur le mur de l’école. Un travail qui fait penser à première vue à des touches de pianos, à de la musique tout court. Et c’est cette musicalité qui berce d’ailleurs tout l’univers artistique de Moustapha Zoufri.

Portrait réalisé par Morad Khanchouli, journaliste à la MAP

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