Au tout début de l’histoire, un drame. La mort mystérieuse à l’aéroport de Vienne d’un immigré sans papiers alors qu’il était en train d’être rapatrié par la police chez lui, au Nigéria. Cela remonte déjà à plus de 15 ans. Une année plus tard, en l’an 2000, une association voit le jour « Fair&Sensibel » pour tenter de réparer cette bavure policière.
Jusque-là rien d’extraordinaire. Mais ce qui étonne dans toute cette affaire-là, c’est que l’association a été créée à l’initiative de la police, consciente de la nécessité de dialoguer avec les communautés étrangères en Autriche, surtout les immigrés africains.
Pour le Fondateur et actuel président de « Fair&Sensibel », le Lieutenant Colonel, Josef Bock, la création de cette association est devenue après cette tragédie et aussi devant le nombre croissant des immigrés, une nécessité absolue, ajoutant dans une déclaration à la MAP, que son action ciblait au départ les immigrés africains avant de s’étendre des années plus tard à toutes les communautés étrangères, notamment les plus fragilisées par leur statut de refugiés ou d’immigrés sans papiers.
« C’est le seul moyen pour tisser des liens de dialogue et de confiance entre les immigrés et la police. Le seul moyen de rectifier le tir en privilégiant l’approche humanitaire sur la seule option sécuritaire », souligne ce policier âgé aujourd’hui de 57 ans dont 38 ans en fonction, notamment, dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière.
Et d’indiquer que son association qui bénéficie du soutien de l’Union Européenne, du ministère autrichien de l’intérieur ainsi que d’autres partenaires privés et publics, organise périodiquement des séminaires de sensibilisation à l’adresse des policiers en fonction ou encore en période de stage dans les académies de police et ce, pour leur faire comprendre que la manière forte ne peut que générer des malentendus, pire, des tensions et des drames.
Et cette démarche semble aujourd’hui donner ses fruits au vu du nombre de policiers affiliés en bénévoles à l’association et au vu surtout de la politesse dont les policiers autrichiens en font montre lorsqu’il s’agit d’interpeler les individus, hormis bien sûr quelques brebis galeuses qui n’ont toujours pas compris le message ou bien parce qu’ils pensent parfois qu’il faut se montrer durs face à certaines dérives. Et pour cause, tous les immigrés ne sont pas innocents. Car, il existe aussi parmi eux des trafiquants de drogue et autres délinquants.
Dans ce travail de longue haleine pour changer les mentalités et en finir définitivement avec les clichés, l’association Fair&Sensibel élargit son champ d’action pour faire de la sensibilisation dans les écoles primaires et ce, en vue d’ancrer chez les petits autrichiens et aussi africains les valeurs du respect de l’autre et de la tolérance.
Outre ce volet si important de la sensibilisation, l’association vient aussi en aide aux réfugiés et aux immigrés en situation irrégulière pour les accompagner dans toutes leurs démarches pour l’obtention de papiers, décrocher un boulot ou encore suivre gratuitement des cours d’allemand.
Le but étant de faire en sorte que « l’immigré ne s’isole pas » comme le souligne Aliou Dieme, un danseur chorégraphie sénégalais qui a rejoint en 2011 « Fair & Sensibel » suite à une heureuse rencontre, par hasard, dans un village au Sénégal, avec son président, le Lieutenant colonel, Josef Bock, lequel, comme à son habitude, fait des tournées en Afrique pour faire de la sensibilisation autour des conséquences dramatiques de l’immigration clandestine en prenant la mer à bord d’embarcations de fortune.
« Mon rôle à l’association est d’essayer à travers mes prestations artistiques et mes discours de montrer le vrai visage de l’Afrique, la richesse de sa culture et son extraordinaire potentiel », dit ce fervent humaniste qui vit à cheval entre le Sénégal et l’Autriche où vivent aujourd’hui, selon les estimations, plus de 30.000 africains dont les deux tiers sont originaires du Nigéria, suivis par les Ghanéens et les sénégalais qui sont à peine une centaine de personnes.
Tout en livrant au final son message de paix et de fraternité « Nous sommes tous les descendants d’Adam et d’Eve », Aliou Dieme ne résiste pas à l’envie de s’adresser en des termes amers et assez durs, à l’Europe et aux Européens : « L’Afrique n’a pas besoin aujourd’hui de l’Europe pour se développer. Les Européens n’ont qu’à nous laisser suivre notre chemin en cessant certaines pratiques qui favorisent, directement ou indirectement, la corruption et les dictatures », lance-t-il, soulignant que la mondialisation, malgré ses effets pervers, offre aujourd’hui d’immenses possibilités pour une paix et un développement durables qui pourraient bénéficier à l’ensemble des peuples.
Signe aussi de ce changement des mentalités, le gouvernement actuel en Autriche dirigé par les sociaux démocrates (SPO) et les conservateurs (FVP) a procédé à une transformation d’une grande portée significative : Le ministère des affaires européennes et internationales porte désormais l’appellation de ministère de l’intégration et des affaires étrangères.
Un pas en avant qui mérite d’être salué. Et surtout, il s’agit de saluer l’action de cette police de proximité à la fois au four et au moulin, Fair&Sensibel, une association qui arbore en guise de symbole une rose. Quoique, il reste encore du chemin à faire pour parvenir à cette entente si nécessaire pour le dialogue des peuples et des civilisations. L’intégration mais pas dans l’assimilation.
19 nov. 2014,Rachid Sami
Source : MAP
