Dans cette œuvre monumentale, savamment maturée depuis 1988, qui vient de paraître aux éditions La Croisée des chemins (380 pages), l’auteur s’est livré à un travail de fourmi qui, vingt et un ans plus tard, a donné naissance à un beau-livre, richement illustré de photographies et de cartes postales d’époque, sur l’histoire et le devenir d’un espace urbain, même si l’auteur ne se revendique « ni comme historien, ni comme écrivain ».
Ce livre, la première œuvre de Bounhar, est aussi un hommage à la photographie et aux photographes, dans la mesure où cette grande cité serait, comme le souligne l’auteur, parmi les rares villes marocaines à « se prévaloir de documents que nous ont légués des photographes tels que J. Boussuge, Bertou, Alhambra, Flandrin, Maillet, Levy et Neurdein… ».
La valeur inestimable de ce fonds documentaire « nous donne la possibilité de suivre les transformations qui ont métamorphosé la petite ville de Dar el-Beïda, l’ancienne Anfa, en métropole de l’Afrique du Nord », affirme-t-il.
UN PLAIDOYER POUR CASABLANCA
Ce travail est « un plaidoyer pour Casablanca et sa mémoire » qui tente de restituer « ce que les colons ont détruit à partir de 1921 », a confié à la MAP, M. Bounhar.
De cette vision coloniale, il déplore les différentes destructions qui ont ravagé l’aspect de l’ancienne médina, ses remparts et ses portes.
L’auteur tente de reconstituer l’évolution historique de la mégapole d’aujourd’hui qu’est devenue Dar Beida, en inventoriant les étapes du développement d’une cité, baptisée Anfa par les anciens, logée au fond d’une petite baie de l’océan atlantique, à l’embouchure de oued Bouskoura à l’est, et dont les premiers peuplements humains datent déjà de la Préhistoire.
Outre le volet historique, l’auteur revient sur les différents plans urbanistiques que la ville a connus, passant par les plans Prost et Ecochard jusqu’au schéma d’aménagement et d’urbanisme du grand Casablanca (SDAU), adopté en 1984.
Il s’intéresse aussi aux portes de la médina, qui en comptait six (Bab el Mersa, Bab El Kheut Mzab, Bab Er Rha, Bab esSouk, Bab Marrakech et Bab Sour e’Jdid) ainsi qu’aux différents sites, quartiers et artères de la ville.
Présentant ce travail colossal, Abdeljalil Bounhar dit avoir voulu abolir « l’opposition manichéenne traditionnelle entre les deux civilisations qui glorifie une image édulcorée du colon, bienfaiteur désintéressé au service de l’humanité +indigène+, tout en mésestimant l’apport et la mise à contribution de la communauté autochtone « .
Par le truchement des photos, il s’est intéressé aux traces de cette évolution de la ville et la métamorphose de ses espaces.
« Le patrimoine architectural de Casablanca, c’est le patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine », dixit l’auteur, en soulignant à cet égard qu’il est « primordial de répertorier le bâti qui devrait être sauvé ».
Pour les besoins documentaires, l’auteur a pris des photos et s’est livré à une véritable quête d’anciens clichés, de cartes postales, livres anciens en écumant les marchés de puce et brocantes d’Europe. Dans cet effort, il cite le précieux concours du producteur de cinéma Sarim Fassi Fihri et du peintre Ahmed Toufiq, sans oublier l’apport de son mécène Nabil Ziatt (STROC industrie).
Natif de Casablanca, Abdeljalil Bounhar a fait ses études primaires dans sa ville natale et le secondaire à Marrakech. Après le baccalauréat, il part en France, où il s’inscrit à l’Ecole nationale supérieure Louis Lumière à Paris pour une formation de directeur de photographie en 1982, qu’il va perfectionner dans la même école par la préparation d’un BTS. De retour au Maroc en 1985, il travaille comme reporter photographe pour l’AFP, qu’il quitte en janvier 1987 pour Reuters jusqu’en 1990. Il rejoint en 1991 le desk parisien de l’agence Associated Press avant d’être affecté en 1997 comme correspondant au Maroc.
Source : MAP
Publié le 27.01.2010