C’est sans doute le seul Arabe qui a fait du hockey sur glace dans sa jeunesse. Rachid Badouri, fils d’immigrés marocains, né en 1976 à Montréal, a acquis un incroyable capital de sympathie au Québec grâce à son one-man-show Arrête ton cinéma ! En moins de trois ans, près de 350 000 spectateurs ont applaudi cette révélation de la scène humoristique.
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Alliant la tchatche d’un Jamel Debbouze à la performance gestuelle d’un Eddie Murphy, Rachid Badouri est devenu – aux côtés de Boucar Diouf et d’Anthony Kavanagh – le symbole d’une société québécoise multiethnique où l’industrie de l’humour n’est plus réservée aux « pure laine » (Québécois de souche). Ce comédien volubile, élégant écume depuis 2011 les scènes parisiennes et sera à l’Olympia le 21 septembre. Auparavant, il retourne au pays de ses parents pour participer, jeudi 6 juin, au festival international « Le Marrakech du rire ».
SA SOURCE D’INSPIRATION, SON PÈRE
L’inspirateur de Rachid Badouri c’est Mohamed, son père. « Un ignoriste, dit-il, un homme drôle, dans son quotidien, sa façon d’être, mais qui ne le sait pas. » Ancien garagiste à Laval, Mohamed est désormais l’un des spectateurs les plus assidus de son fils. « Il voulait être un immigré modèle ; il nous a enseigné l’intégration. A la maison, notre première langue était le français, la seconde le berbère », raconte Rachid, qui, enfant, était le seul Arabe de son école et s’entendait parfois nommé « beurre d’arachide ». Chez les Badouri, la priorité, ce sont les études. Longtemps, Rachid, turbulent, blagueur et imitateur, dont la seule passion était de divertir son entourage, a été recadré par son père d’un sempiternel « arrête ton cinéma petit salopard ! ».
En 1999, il réussit le concours d’entrée de l’Ecole nationale de l’humour à Montréal mais renonce à l’intégrer, faute de pouvoir payer les frais de scolarité. Pour être « raisonnable » et parce que son père lui répète que « le chômage n’est qu’une illusion », il devient agent de bord pour Air Transat puis gérant de département chez Futur Shop (l’équivalent de Darty). « J’avais 26 ans, je vivais encore chez ma mère, je m’ennuyais ferme dans mon boulot, je n’en pouvais plus », résume-t-il.
LA « BADOURIMANIA »
Alors il bricole un DVD promotionnel, fait une centaine de copies et les porte en main propre à toutes les adresses montréalaises comportant le mot « production ». Bingo ! Trois semaines plus tard, un responsable de la société Juste pour rire lui propose de concourir à une audition publique. Il passe des nuits blanches avec un copain à peaufiner son numéro pendant que son père rameute tous ses amis. Puis tout va très vite : il est primé au festival Juste pour rire puis au Gala des Oliviers (institution humoristique diffusée chaque année à la télévision québécoise), embauché pour les publicités de Loto-Québec, et la « badourimania » est lancée.
« Ces dernières années, c’est l’humoriste qui a le plus percé chez nous », confirme Eric Clément, journaliste culturel au quotidien canadien La Presse. « Il a apporté une fraîcheur qui tombait au bon moment ; il incarne l’envie du vivre-ensemble et le partage des cultures. »
UN NOUVEAU SPECTACLE POUR L’AUTOMNE
Sur scène, ce show man généreux joue la comédie, danse, improvise et imite les autres avec une insolente facilité. Il a fait de son père – « le salopard de sa vie » – le fil rouge de son spectacle pour évoquer le conflit de générations, l’histoire de sa famille et l’éducation « à l’ancienne » qu’il a détestée quand il était adolescent mais qu’il considère aujourd’hui comme un excellent héritage.
Rachid Badouri ne veut pas s’arrêter à ce « conte de fées » québécois. « La France, je la veux. Pour nous les humoristes du Québec, elle est notre Hollywood francophone. » Repéré par Jamel et l’animateur Arthur qui lui a ouvert les portes de la télévision, il prépare un nouveau spectacle pour l’automne dont il réservera la primeur aux Québécois.
06.06.2013, Sandrine Blanchard
Source : Le Monde