En quelques décennies, la communauté marocaine à l’étranger a connu des transformations profondes et multidimensionnelles. Bien que 80 % des Marocains du monde (MdM) résident en Europe, cette diaspora s’est mondialisée, diversifiée et complexifiée. Elle s’est féminisée (près de 50 %), rajeunie (avec l’émergence de générations nées et socialisées hors du Royaume), tout en connaissant un vieillissement progressif d’une partie de ses membres. Une mutation particulièrement significative réside dans l’élévation du niveau de qualification : environ 20 % des MdM disposent aujourd’hui d’un diplôme universitaire, ce qui constitue un atout stratégique dans un contexte international marqué par une compétition accrue autour des talents, qu’ils soient hautement ou peu qualifiés.

Face à ces évolutions, le Royaume du Maroc a déployé, depuis plusieurs décennies, une politique volontariste à l’égard de ses ressortissants à l’étranger. Cette politique s’appuie sur une double dynamique : d’une part, l’intégration réussie des MdM dans leurs sociétés de résidence, comme en témoigne notamment le taux élevé de naturalisations ; d’autre part, le maintien d’un lien fort avec la terre d’origine, perceptible y compris chez les jeunes générations. Cette politique est aujourd’hui à l’aube d’une inflexion majeure, impulsée par les discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI d’août 20221 et de novembre 20242. Ces interventions royales ont appelé à une mobilisation accrue des MdM dans les grands chantiers de développement du Royaume, ainsi qu’à une réforme des institutions qui leur sont dédiées, afin d’accompagner au mieux leurs attentes et valoriser leur potentiel.


Ce qui se joue en lame de fond, c’est la capacité du Maroc à articuler une stratégie nationale inclusive, fondée sur l’intelligence collective de ses élites transnationales, pour répondre notamment à des défis systémiques.
C’est dans ce contexte que le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), institution consultative constitutionnelle, a entrepris avec ses partenaires trois études portant sur la revalorisation du capital humain, la transition écologique et la souveraineté sanitaire.


À première vue, ces trois thématiques peuvent sembler hétérogènes. Pourtant, elles sont profondément liées par une même logique : celle de la mobilisation stratégique du capital diasporique face à des défis transversaux qui engagent l’avenir du pays. Le stress hydrique, la santé publique et le retour des compétences ne sont pas des enjeux sectoriels isolés, mais des nœuds systémiques où se croisent les questions de gouvernance, de souveraineté, d’innovation et de justice sociale.
En conséquence, le CCME organise en partenariat avec l’Université internationale de Rabat un premier séminaire consacré à la présentation de deux études inédites portant sur :
- Les dynamiques et ressorts du retour des compétences marocaines du monde : cette étude explore les conditions de réintégration des talents diasporiques dans les écosystèmes nationaux, en lien avec les enjeux de souveraineté cognitive, de relocalisation des savoirs et de réflexivité sur les départs des ressources locales ;
- Le stress hydrique et la contribution des compétences marocaines à l’élaboration de solutions innovantes : dans un contexte de vulnérabilité climatique croissante, cette étude interroge la capacité des MdM à contribuer à la sécurité hydrique du Royaume par le transfert de savoirs, de technologies et de modèles de gouvernance durable.
Ce premier séminaire3 vise ainsi à instaurer une dynamique de co-construction. Il offrira une plateforme d’échange sur les politiques publiques mises en œuvre par le Gouvernement, ainsi que sur les initiatives portées par des MdM dans des domaines variés tels que l’investissement, la recherche académique ou l’innovation. Ce qui se joue ici, en profondeur, c’est la capacité du Maroc à penser sa diaspora non comme une périphérie, mais comme un centre de gravité alternatif, capable d’irriguer les politiques nationales par des ressources transnationales, des savoirs pluriels et des imaginaires partagés.
Une table ronde finale viendra clore les travaux, en permettant de dégager des pistes d’action concrètes et des recommandations consolidées, dans une perspective de renforcement du rôle stratégique des MdM dans le développement du Maroc.


