Quelque 630.000 personnes sont entrées illégalement en Europe depuis le début de l’année, a affirmé Fabrice Leggeri, le patron de l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex, dans une interview au groupe de presse français Ebra.
« Nous avons enregistré environ 630.000 franchissements illégaux de frontières, fin septembre », a indiqué M. Leggeri, en parlant de « crise migratoire sans précédent en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale », dans cette interview à paraître lundi dans les quotidiens Dernières nouvelles d’Alsace et l’Alsace (est).
A l’approche du Conseil européen des 15 et 16 octobre, il plaide ainsi pour la coopération européenne, car « les États-membres doivent comprendre qu’au lieu de déployer des centaines de policiers à leurs frontières nationales, il serait plus utile de les envoyer à la frontière extérieure. La vraie frontière de la France, elle est à Vintimille, mais aussi à Lampedusa, à Lesbos, à Melilla… »
« Si chaque État gère la crise dans son coin, sans se coordonner avec ses voisins, les flux ne cessent de passer d’un pays à l’autre, au détriment de tous », met-il en garde.
Tout en se félicitant du doublement des effectifs de Frontex prévu en Grèce, qui sont aujourd’hui de moins de cent personnes, il affirme que, « si nous avions mille ou deux mille garde-frontières européens pour aider les autorités grecques, cela aurait un effet spectaculaire sur la crise à cette frontière ».
Alors que les Européens planchent sur la mise en place de « hotspots » en Grèce et en Italie pour accueillir les migrants à leur arrivée en Europe et évaluer leur besoin d’asile, M. Leggeri souligne qu' »en moyenne, 39 % des décisions d’éloignement sont effectivement exécutées », notamment à cause du refus des pays d’origine de reprendre leurs ressortissants.
« Soyons réalistes : si nous voulons pouvoir renvoyer les migrants irréguliers vers leur pays d’origine, il faut des lieux de rétention, en particulier dans les hotpots », affirme-t-il.
Alors que Frontex a affrété 39 avions l’an dernier pour renvoyer des migrants chez eux, M. Leggeri fixe un objectif plus ambitieux pour 2015: « nous devrions atteindre le nombre de 60 avions de retour de migrants illégaux à la fin de l’année ».
Interrogé sur la mise en place d’un corps européen de garde-frontières, tel qu’évoqué par le président de la Commission Jean-Claude Juncker, M. Leggeri avertit qu’un tel corps « n’est pas envisageable à moyen terme, et l’objectif est d’être efficace rapidement ».
« Il faut aller vers une gestion plus intégrée des frontières, un réseau européen de surveillance dont Frontex est la préfiguration. Et envisager une capacité d’action autonome dans certains cas : par exemple, que Frontex puisse intervenir dans une crise, sans attendre que l’État concerné en ait fait la demande », martèle-t-il.
Enfin il prévient que « la pression migratoire est un défi de longue durée », même si « nous devrions, d’ici un an, parvenir à maîtriser l’afflux brutal, sans précédent, auquel nous faisons face ».
En effet, explique-t-il, « je ne vois pas de solution à court terme en Syrie et dans la Corne de l’Afrique, ni à la différence de développement entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne… ».
04 oct. 2015
Source : AFP