mercredi 15 mai 2024 08:27

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L’immigration, un enjeu et un débat

L’Europe est depuis plusieurs décennies une destination populaire pour les migrants. Définir une politique d’immigration cohérente est loin d’être une tâche facile. En la matière, les décideurs politiques doivent tenir compte des attentes du public. Les perceptions individuelles de l’immigration sont assez négatives dans la plupart des pays européens. Ceci complique le processus d’intégration des immigrés et restreint également les flux migratoires politiquement acceptables.

Ces restrictions empêchent les pays d’accueil de tirer pleinement profit des effets positifs que l’immigration pourrait avoir sur l’efficacité économique et la démographie d’une population vieillissante. Les politiques migratoires restrictives constituent également une entrave importante à la réduction des inégalités internationales de revenu. Pour ces raisons, une compréhension des facteurs affectant les attitudes individuelles à l’égard de l’immigration est essentielle.

C’est pourquoi ce débat a pris beaucoup d’ampleur parmi les scientifiques. Les facteurs émanant du marché du travail reçoivent une attention particulière dans la littérature. Selon la théorie économique, les individus les moins éduqués sont supposés être les plus opposés à une immigration peu qualifiée, craignant une concurrence renforcée sur le marché du travail et une pression à la baisse sur leurs salaires. De même, les résidents les plus instruits seraient plus hostiles envers une immigration hautement qualifiée. Ces prédictions sont confirmées par plusieurs études empiriques qui se basent sur des sondages d’opinion. Cependant, les travaux sur l’impact réel de l’immigration sur les salaires et l’emploi ne relèvent pas, en général, d’effet négatif.

Incontestablement, des facteurs non économiques tels que la culture, l’importance accordée aux traditions et les préjugés liés à l’ethnie jouent un rôle important dans la formation des opinions individuelles en matière d’immigration. Les résidents bien éduqués sont ici présumés être moins sensibles aux différences ethniques et plus ouverts à une société multiculturelle, et donc moins opposés à toute sorte d’immigration.

Quel élément prévaut dans le cas d’une immigration qualifiée ? L’argument économique selon lequel les gens bien formés devraient être les plus opposés, ou leur plus grand degré de tolérance ? A ce niveau, les conclusions de la littérature ne sont pas unanimes. Les résultats de mon mémoire de fin d’études quantifient les facteurs non économiques comme prévalents. L’ouverture à l’immigration augmente avec le niveau d’éducation, indépendamment des qualifications des immigrés.

Les auteurs - qui considèrent que les facteurs économiques l’emportent dans la formation d’opinion - se reposent sur une hypothèse principale. Ils supposent que les résidents cherchent à savoir quelles implications l’immigration pourrait avoir sur leurs conditions sur le marché du travail, en comparant leur propre niveau d’éducation à celui des immigrés de leur pays. Une telle évaluation n’est donc possible que si les participants du sondage sont en mesure d’estimer le niveau d’éducation des immigrés. Ceci est fort optimiste ! Les immigrés sont loin d’être homogènes en termes de qualifications, même au sein d’un pays d’accueil donné.

En plus, est-ce vraiment réaliste de supposer que les sondés, devant un questionnaire qui demande plusieurs heures à remplir, puissent réfléchir sur base de modèles économiques ? Ne faudrait-il plutôt s’attendre à des réponses spontanées et émotionnelles ? Pour un sujet multidisciplinaire tel que l’immigration, le degré de tolérance et les préjugés liés à l’ethnie semblent mieux expliquer les attitudes individuelles que la situation sur le marché du travail. Le décideur politique devra donc, s’il souhaite induire des attitudes plus positives, privilégier l’éducation au sens large : la formation scolaire et l’éducation de l’opinion publique au travers d’une information objective, avec l’aide des médias.

7/1/2012, Manuel Schommers

Source : Lalibre.be

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