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La Pologne au défi de la lutte contre le racisme

Passé à tabac à son arrivée en Pologne il y a vingt ans pour une seule et unique raison, sa peau noire, John Godson défend son pays d'accueil des procès en racisme qui lui sont faits à la veille de l'ouverture de l'Euro.

Devenu député, cet immigré nigérian assure que les Polonais ont changé pour le mieux et regrette que la presse européenne ait alimenté les peurs des milliers de supporters attendus.

A ses yeux, le documentaire récemment diffusé à la télévision britannique et relatant des violences racistes et antisémites dans les stades des deux pays hôtes du tournoi était "biaisé" et la Pologne, où il a été abondamment commenté, a été affectée.

"J'ai été vraiment attristé", dit Godson à Reuters.

"Cela ne reflète pas ma propre expérience", ajoute-t-il, expliquant que la BBC n'avait pas montré les progrès réalisés depuis les années 1990, lorsque la Pologne s'est enfin défaite d'un demi-siècle de répression, nazie d'abord, communiste ensuite.

"Ce n'est pas que les gens soient racistes, c'est simplement qu'ils n'ont pas été exposés à d'autres cultures", juge ce professeur d'université qui compte parmi les quelque 2.000 Polonais d'origine africaine.

"A mesure que les Polonais apprennent à connaître les autres, l'amélioration est vraiment notable, même si nous avons encore du chemin à faire."

Les violences racistes sont un sujet de préoccupation majeur pour les joueurs, les organisateurs de l'Euro et l'UEFA. Son président, Michel Platini, a prévenu mercredi que les arbitres auraient pour consigne d'arrêter les matches en cas d'incidents, tout en se demandant s'il y avait plus de racisme en Pologne qu'en France.

UNE INSULTE

Les chants antisémites et les démonstrations de groupuscules d'extrême droite qui ont cours dans les stades de Pologne, selon des organisations comme East Europe Monitoring Centre, sont en revanche plus rares en Europe occidentale.

"L'antisémitisme est toujours un problème", reconnaît John Godson. "Il y a des blagues sur les Juifs. Ce n'est pas quelque chose d'institutionnalisé, mais c'est assurément ancré dans notre société."

"Nous n'avons clairement pas assez analysé ce qu'il se passe dans les stades."

Plus de trois millions de Juifs vivaient en Pologne à la veille de la Seconde Guerre mondiale et de l'Holocauste. Cette communauté est désormais de quelques milliers de personnes.

Tant les dirigeants communistes des années d'après-guerre que l'Eglise catholique ont été accusés de nourrir le sentiment anti-juif.

Aujourd'hui encore, le mot "juif" est employé comme une insulte entre Polonais, et pas seulement au stade.

L'Anti-Defamation League, organisation basée aux Etats-Unis, a félicité l'Etat pour ses efforts sur la question. Mais son étude réalisée cette année montre que près d'un Polonais sur deux est encore habité de sentiments anti-juifs - moins qu'en Hongrie ou en Espagne, mais deux fois plus qu'en Allemagne, en France ou en Grande-Bretagne.

"CHEZ MOI"

La colère exprimée par les responsables polonais après la diffusion du documentaire de la BBC illustre la sensibilité de tout sujet susceptible de ternir l'image de la Pologne, membre de l'Union européenne qui se veut un pays ouvert et prospère et entend encore améliorer sa réputation avec l'Euro.

La Pologne a investi 20 milliards d'euros dans ses infrastructures en vue de l'Euro. Soucieuse d'en préserver les bénéfices pour le tourisme, le commerce et pour son rayonnement international, elle veut mettre fin non seulement aux violences verbales mais aussi aux violences autour du football.

Il y a un an, une bataille rangée s'était produite sur le terrain lors de la finale de la Coupe nationale. Supporters, policiers, mais aussi joueurs et journalistes y avaient pris part, conduisant le Premier ministre, Donald Tusk, à promettre des mesures fortes pendant sa campagne.

La police a arrêté les leaders présumés des groupuscules les plus extrémistes et une unité spéciale a été créée. Les prix des billets, élevés par rapport au niveau de vie, peuvent aussi contribuer à éloigner les indésirables.

En revanche, la présence de supporters étrangers aux abords pourraient remettre de l'huile sur le feu.

La Pologne affrontera lors du premier tour la Russie, un match que Wojciech Wisniewski, supporter parmi les plus connus du grand club de Varsovie, le Legia, voit comme un "problème".

Beaucoup considèrent que les violences prennent leurs racines dans la pauvreté relative des Polonais par rapport aux autres Européens. Le pays est le cinquième plus pauvre de l'UE avec un PIB par habitant par an inférieur à 10.000 euros.

John Godson, qui a déjeuné avec Donald Tusk jeudi pour évoquer ces sujets, voit cependant dans son élection l'année dernière à Lodz, ville où les étrangers sont rares, un motif d'espoir.

"La Pologne est un endroit très accueillant, hospitalier. Je m'y sens davantage chez moi que dans l'Ouest."

Avec Adrian Krajewski, Anna Rychert et Chris Borowski, Gregory Blachier pour le service français

7/5/20212, Patrick Graham

Source : Le Nouvel Observateur/Reuters

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