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Dernières heures en Espagne pour une famille d'immigrés équatoriens

C'est l'un des visages de la crise espagnole : un aller simple pour l'Equateur en poche, Patricia, Fabian et leurs deux enfants se pressent à un comptoir d'enregistrement de l'aéroport de Madrid, pour un voyage qui met fin cruellement à un rêve de douze ans.
Dans la file des passagers qui s'apprêtent à embarquer dans le vol Madrid-Quito, ils traînent les dix valises renfermant leurs affaires : toute la vie de cette famille d'immigrés, venue tenter sa chance dans une Espagne qui ressemblait alors à un Eldorado.

Douze ans plus tard, ils fuient, accompagnés de leur chien, avec une seule phrase aux lèvres : "La vie est devenue impossible."

"Je me suis retrouvée sans travail, mon mari est au chômage depuis deux ans. Avec deux enfants, c'est devenu très difficile et nous avons décidé de partir", confie Patricia Herrera, âgée de 30 ans, sa petite fille de deux ans, Desiré, gambadant autour d'elle.
Alexis, l'aîné âgé de 15 ans, aide ses parents à porter les valises. Il n'avait pas cinq ans quand la famille a émigré, connaît à peine l'Equateur et ne cache pas sa déception : "Je comprends, mais je ne veux pas partir."

"Chez moi, c'est en Espagne. J'ai passé toute ma vie ici", ajoute-t-il. "Hier j'étais avec mes amis. Ils pleuraient parce que je pars", raconte l'adolescent.

Son père, Fabian Cordoba, arrivé le premier il y a treize ans, avait aussitôt trouvé un emploi de peintre dans un pays en plein miracle immobilier.

"Il y avait énormément de travail. Au lieu des huit heures par jour légales, on travaillait 14 heures, plus si on voulait", se souvient-il.
"On gagnait beaucoup d'argent, c'était merveilleux", raconte Fabian, âgé de 32 ans. Un an plus tard, il a fait venir sa femme, puis Alexis avec sa grand-mère.

Mais en 2008, l'économie de l'Espagne a plongé quand a éclaté la bulle immobilière, entraînant tout le secteur de la construction, celui justement qui faisait vivre des populations entières d'immigrés.

Quatre ans plus tard, les chiffres sont catastrophiques : 24,44% de chômeurs, 35% dans la population immigrée.

Alors, après l'âge d'or de l'immigration - le nombre d'étrangers vivant en Espagne est passé de 500.000 en 1996 à cinq millions en 2006 - la tendance s'est inversée.

En 2011, le solde migratoire est devenu négatif pour la première fois, avec 40.447 étrangers en moins.

"Si cela va mal pour les Espagnols, pour nous c'est pire", soupire Patricia.

Elle se souvient de la prospérité des premières années, puis des ennuis qui ont commencé quand le couple a acheté un appartement.
Avec son salaire d'employée de maison, celui de peintre de son mari, la famille a obtenu un prêt pour acheter pour 224.000 euros un appartement à Torrejon de Ardoz, une banlieue de Madrid.

Mais avec le taux variable du prêt et une avalanche de frais imprévus, les ennuis se sont vite accumulés. "Nous avons commencé en payant 800 euros par mois. Nous avons fini à 1.500. Nos deux salaires y passaient."

Quand Fabian s'est retrouvé sans travail, ils ont arrêté de payer et la banque a saisi l'appartement.

A présent, Patricia et son mari s'apprêtent à repartir de zéro à Alamor, la petite ville du sud de l'Equateur où vivent les parents de Fabian.

"Vu la situation en Espagne, il est devenu impossible de vivre ici", remarque Fabian. "J'ai beaucoup d'amis qui sont repartis, et ils se sentent beaucoup mieux là-bas."

Vladimir Paspuel, président de l'ONG Rumií±ahui, qui vient en aide aux immigrés, raconte avoir "une longue liste de gens désespérés, qui veulent repartir dans leur pays parce qu'ils ont tout perdu".

Cette association a aidé Fabian et Patricia à obtenir une aide du gouvernement espagnol, qui a payé les billets d'avion et leur a offert un chèque de 1.800 euros.

Depuis le début de l'année, Rumií±ahui a aidé ainsi 36 familles. Mais le programme gouvernemental "d'aide au retour" a aujourd'hui épuisé tous les fonds disponibles et personne ne sait quand il reprendra, dans une Espagne contrainte à l'austérité.

15 juin 2012, Anna CUENCA

Source : AFP

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