vendredi 17 mai 2024 11:49

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Le retour de la diaspora en Somalie suscite un choc des cultures

Styliste prisée à Londres, Ayan Hussein est revenue depuis deux ans en Somalie, où elle promeut une mode compatible avec les traditions musulmanes. Comme elle, des milliers d'exilés reviennent au pays, par nostalgie, solidarité ou sens des affaires, avec souvent un choc des cultures à la clé.
C'est le Somaliland qui a accueilli la plupart de ces candidats au retour ces dernières années. Ce territoire du nord de la Somalie de près de 4 millions d'habitants, qui a proclamé son indépendance dès 1991, est apparu comme un havre de paix comparé au centre et au sud du pays plongé dans la guerre civile.
Ayan Hussein avait une vingtaine d'années quand elle a quitté Mogadiscio en 1997. A l'approche de la quarantaine, elle a choisi de revenir au pays en 2010, mais à Hargeisa, la capitale du Somaliland, pour s'occuper de sa mère âgée.
Elle évoque "un choc culturel" à son arrivée, pour elle et ses enfants.
"Vraiment rien à voir avec Londres", lâche son fils Guled, 18 ans. "Il n'y a que de la poussière ici, impossible de faire du skate", ajoute dans un anglais impeccable ce longiligne jeune homme, qui ne parle pas somali.
Collaboratrice d'une marque réputée à Londres et acheteuse de vêtements pour des princesses du Golfe de passage, Ayan Hussein, mondaine et sophistiquée, a choisi de transporter sa passion de la mode à Hargeisa, moyennant quelques compromis.
Sa boutique de vêtements propose des robes longues, pour respecter le code musulman, mais aux couleurs éclatantes. "Il faut expliquer aux clientes qu'elles ne sont pas obligées de s'habiller tout en noir", explique celle qui cache ses cheveux dans un turban rouge flamboyant.
En face du magasin, dans la rue principale bruyante et poussiéreuse, Ayan vient d'ouvrir un salon de thé. Il est sitôt devenu le rendez-vous des élégantes de Hargeisa, le plus souvent issues de la diaspora, qui posent leur smartphone et leurs lunettes noires pour siroter leur cappuccino et échanger des potins en anglais.
Entre la société somalienne d'origine et la diaspora rapatriée, "c'est comme s'il y avait deux sociétés totalement différentes", lâche l'une d'elle, revenue de Grande-Bretagne pour travailler comme cadre à l'usine Coca-Cola qui vient d'ouvrir aux portes de Hargeisa.
"Parce que nous sommes Somali, ils (les locaux) s'attendent à ce que nous soyons comme eux", ajoute la jeune femme sous couvert d'anonymat, affirmant que cela "pose des difficultés et même plus".
Vingt médecins et membres du personnel de santé d'origine somali ont quitté la Finlande, leur pays d'exil, pour travailler pendant six mois ou un an à l'hôpital public d'Hargeisa et former leurs collègues, un programme mis en œuvre par l'Office international des migrations (OIM).
"C'était pour moi une façon de donner en retour à mon pays, et aussi de montrer ma reconnaissance à la Finlande", explique Ahmed Abukar, un infirmier.
Les premiers mois de cohabitation ont été orageux entre personnel local et rapatrié. "Il y a eu des ajustements à faire, car il fallait apprendre à nous connaître", lâche M. Abukar.
"apprécier une vie simple"
"Bien sûr il y a toujours des conflits, les gens d'ici craignent que les autres ne prennent leur place (...) Mais ils sont tous Somali, et au bout d'un moment tout cela disparaît", assure Ayan Rabi, chargée de ce programme à l'OIM.
Soucieux de ne pas apparaître en terrain conquis, les rapatriés soulignent avoir beaucoup appris en retour. "Vous apprenez ici à apprécier une vie simple", explique M. Abukar.
Le nouveau directeur général de la télévision nationale du Somaliland, Ali Hassan Khaeler, revenu récemment de Londres, a compris pour sa part l'importance du clan, fondement traditionnel de la société somalienne, "une forme d'assurance, car je sais que le clan viendra m'aider si je blesse quelqu'un ou si j'ai un accident de voiture".
Le statut de sanctuaire de stabilité du Somaliland est désormais concurrencé par la grande capitale Mogadiscio, qui connaît un relatif boom économique depuis que les insurgés islamistes en ont été chassés en août 2011.
Ibrahim Chama, 32 ans, a abandonné son emploi de fonctionnaire à Cardiff, au Pays de Galles, pour gérer une épicerie à Hargeisa, "avant qu'il y ait trop de monde et qu'on ne puisse plus faire des affaires", explique ce solide barbu en robe blanche traditionnelle, entre paquets de céréales et café instantané importés de Dubaï.
Celui qui avait quitté le pays en 1988 est revenu parce que "maintenant la Somalie va mieux". "Peut-être que nous allons essayer également de monter une affaire à Mogadiscio", sourit-il.
9 nov. 2012
Source : AFP

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