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Obama et l'hypocrisie de la politique d'immigration américaine

Dès son premier mandat, Barack Obama avait annoncé une grande réforme de l’immigration. Mais il n'a cessé de se dérober. Finalement, il a annoncé que 5 des 12 millions de travailleurs illégaux du pays pourront obtenir bientôt un permis de travail temporaire de trois ans. Voilà qui ne règle en rien une politique d'immigration kafkaïenne.

 Embauchés parce qu’ils travaillent dur, à bas coûts, les travailleurs illégaux ne sont cependant pas les bienvenus en Arizona, au Sud-Ouest des Etats-Unis, où vivent pourtant plusieurs centaines de milliers d’entre eux. Dans la peur quotidienne d’être expulsés, après le vote en 2010 de la loi SB1070 qui autorise voire encourage le contrôle au faciès, ils y nettoient parfois au grand jour le sol craquelé par le soleil, y entretiennent plus discrètement les cactus des immenses villas avec vue sur les rocheuses ou s’occupent des enfants qu’ils verront à l’adolescence apprendre aussi vite à manier une arme qu’à conduire. 

  Non loin, en Californie, à Los Angeles ou San Francisco, ces mêmes clandestins, mexicains pour la plupart, possèdent depuis l’automne 2012, des papiers officiels, et notamment une carte d’identité municipale, la City Services Card, qui leur permet notamment d’ouvrir très légalement un compte en banque ou de profiter d’autres services publics comme l’emprunt de livres en bibliothèque. L’immigration aux Etats-Unis, grand mythe fondateur, s’est longtemps laissée bercer par les failles d’un système hypocrite, qui tolère tacitement les sans-papiers aussi bien qu'il les condamne officiellement.  
Attendu sur le sujet, Barack Obama, n’a cessé de se dérober malgré la promesse d’une grande réforme de l’immigration annoncée dès son premier mandat, renouvelée lors du deuxième avant d’être à nouveau reportée. Affaibli par les mauvais résultats des élections de mi-mandat, et notamment l’érosion du vote des Latinos qui représentent 17 % de la population, le président démocrate s’est décidé à parler le 20 novembre dernier, après avoir laissé fuiter dans la presse les grandes lignes de son « plan », brièvement détaillé dans le New York Times cinq jours auparavant. Il veut agir par décret pour contourner ce Congrès tombé dans l’opposition.

De « l’ombre » à la lumière

Cinq des 12 millions de travailleurs illégaux devraient ainsi sortir « de l’ombre ». Ceux-là, près de la moitié des immigrés clandestins, pourront obtenir prochainement un permis de travail temporaire de trois ans à condition de remplir trois critères essentiels : être installés sur le sol américain depuis cinq ans, avoir un enfant né aux Etats-Unis ou posséder une carte de résident permanent, sous réserve enfin de ne pas avoir d’antécédents judiciaires.

Aux traditionnelles manifestations de joie, chantées en espagnol devant la Maison Blanche, « Obama el pueblo está contigo » (« Obama, le peuple est avec toi »), s’est succédé le sophistiqué concert des opposants, dont l’intervention remarquée du président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, captée et postée sur Twitter dans une courte vidéo Vine : « Le président a dit qu’il n’était ni un roi, ni un empereur, mais il se comporte comme s’il en était un » répète Boener, en boucle.
Mais John Broener a beau répété ce message, est-il vraiment audible, car « tout le monde le sait » aux Etats-Unis, selon les propres termes du président Obama, que la politique migratoire du pays est un échec : elle abîme les familles, menacées d’être séparées, casse les ouvriers exploités par des patrons peu scrupuleux et par le système lui-même. En juillet 1996 a par exemple été mis en place l’ITIN, l’Individual taxpayer identification number, qui permet aux clandestins, qui n’ont pas le droit de travailler, d’avoir le devoir de payer des impôts, bien que l’ITIN ne donne pas accès à l’attribution d’un numéro de sécurité sociale indispensable pour travailler.

Une situation kafkaïenne à laquelle a tôt répondu le business des faux papiers, proposés par des rabatteurs, aux coins des rues, dans les grandes villes. Pour une poignée de dollars, les candidats se procurent alors le nécessaire, permis de conduire compris. Pour y palier, plusieurs Etats comme le Nevada ou le Nouveau Mexique permettent d’ailleurs aux clandestins de passer légalement l’examen du permis. C’est en voulant lui-aussi s’y soumettre que le plus médiatique des sans-papiers a découvert sa situation.

Coming-out

Arrivé à 12 ans chez ses grands-parents philippins, en Californie, José Antonio Vargas n’apprendra que quatre ans plus tard la vérité, qu’il tait des années durant, avant de raconter en 2011 son histoire au New York Times, grand rival du Washington Post pour lequel Vargas a longtemps écrit et où il a été récompensé par le plus prestigieux des prix de la profession, le Pulitzer pour sa couverture de la fusillade de l’université de Virginia Tech en 2007. « Si mon nom est imprimé dans le journal, c’est bien la meilleure façon de montrer à ce pays que j’existe » confiait-il à Libération  cet été, après avoir été arrêté puis libéré. « Ce à quoi je ne m’attendais pas, poursuivait-il c’est le silence qui a suivi » ses révélations.
  Un silence qu’Arturo, la trentaine, anonyme, partage également. Arrivé il y a moins de cinq ans aux Etats-Unis, avec un contrat de travail temporaire dans le BTP, le jeune homme a décidé de rester à Newark, dans le New Jersey, même si la vie n’y est pas « facile », même s'il n'est pas éligible aux prochaines régularisations. Car le rêve américain, Arturo y croit encore : « C’est compliqué mais les Etats-Unis restent le meilleur pays pour gagner sa vie. C’est un monde à part ici ».

Un pays devenu un refuge, y compris pour les enfants, du Honduras notamment, pays ultra violent d’Amérique centrale, gangréné par les narcos et la corruption. Au moins 15 000 mineurs honduriens auraient traversé, seuls, la frontière mexicaine à destination principalement du Sud du Texas rien que cette année, où ils pourront accéder au programme DACA (Deferred action for childhood arrivals) qui permet aux moins de 16 ans de séjourner légalement aux Etats-Unis. « En général cette population veut être interpellée, ne tente pas d'échapper à la police » explique Jeh Johnson, le secrétaire à la Sécurité Intérieur, cité par la presse hondurienne.

Cinq millions de personnes n'auront plus à y échapper à présent. Un chiffre bien supérieur à l'amnistie accordée en 1986 à près de 3 millions d'illégaux par le président républicain Ronald Reagan. Suffira-t-il à contenter une partie des démocrates qui accusent Obama d'être devenu un « expulseur en chef » pour avoir reconduit 2 millions d'illégaux à la frontière ? Les démocrates parviendront-t-ils à leur tour à rassurer un électorat latino qu'un seul décret, révocable à tout moment, ne saurait convaincre ? Les questions demeurent.  

Source : marianne.net

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