mercredi 22 mai 2024 03:20

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Migration : quelle place pour les travailleurs migrants ?

Pour la Journée internationale des migrants, l’ONU veut promouvoir, cette année, la participation économique des immigrés dans leur pays d’accueil, comme dans leurs pays d’origine. Explications.

« Il y a 232 millions de personnes qui vivent en dehors de leur pays d'origine. J'en fais partie », déclarait l’année dernière Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations unies. 

D’après cette estimation de l’ONU, près de la moitié serait des migrants « actifs », nous précise Patrick Taran, président du Global Migration Policy Associates (un groupe d’experts sur les politiques de migration). C’est-à-dire « des adultes en âge de travailler qui ont une activité rémunératrice ». 

D’où viennent ces travailleurs migrants ? 

Dans l’espace de l’OCDE, ils viennent principalement de « la Chine, avec quelques étudiants aussi, la Roumanie, la Pologne, l’Inde, le Mexique et les Philippines », explique Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l’OCDE. « En moyenne, un tiers des migrants qui débarque dans un pays de l’OCDE sont diplômés du supérieur. Les migrations asiatiques sont en moyenne plus qualifiées que les migrations africaines. Mais il y a aussi beaucoup de migrants africains qui sont diplômés du supérieur. Ça dépend évidemment du pays d’origine mais surtout de la demande et de la politique migratoire des pays de destination. Au Canada et en Australie, le pourcentage de migrants diplômés du supérieur atteint plutôt 30%-40%. »  

Les étudiants étrangers qui viennent, en France par exemple, se dirigent ensuite vers ces pays, qui facilitent leur entrée : « Ces dernières années, on a assisté à une vague de départs vers le Canada qui propose une certaine souplesse en ce qui concerne l’immigration », explique Eric Adechian, président de l’association des Jeunes pour un Bénin Emergent. Il a travaillé avec le FORIM sur une enquête relative à l’insertion professionnelle de la jeunesse migrante ou issue des migrations en France. 

Pour la Journée internationale des migrants, l’ONU veut souligner l’aspect positif de ces mouvements de population dans un contexte international de montée des extrêmes. L’Allemagne en a encore été le théâtre ces derniers jours avec la tenue de manifestations contre l’immigration. 

Les Nations unies entendent donc battre en brèche ces positions négatives contre l’immigration qui apportent des bénéfices aux États : « Les économies tant développées qu’en développement ont besoin de migrants pour répondre à la demande de travailleurs ayant différents niveaux de qualification »,  lit-on sur le site internet de l’ONU. 

Car c’est un fait, les populations vieillissent, davantage encore dans les pays développés, où « l’immigration est aujourd’hui importante pour garantir la survie des économies en Europe et ailleurs », souligne  Patrick Taran du GMPA. Dans les pays occidentaux, les migrants représentent 10 à 12% de la force de travail, selon l’Organisation internationale du Travail. Ce chiffre pourrait augmenter selon le constat de l'expert : « Sur l’ensemble de l’Union Européenne, presque tous les pays enregistrent une diminution de leur force de travail, conséquence, à long terme, de la baisse du taux de fertilité. On a donc des travailleurs de plus en plus âgés et moins nombreux. En Russie, depuis 2000, la force de travail a perdu 10 millions d'effectifs. On estime que dans les 15 prochaines années, le nombre d’actifs en Allemagne diminuera de 5 millions de personnes s’il n’y a pas d’immigration. »
Ces problèmes démographiques peuvent, à long terme, engendrer de nouvelles dynamiques migratoires. Des pays d’émigration pourraient devenir le territoire d’accueil d’immigration lorsque leur taux de croissance de la population commencera à décroître « des pays comme le Mexique, le Pérou, le Vietnam, ou même le Maroc auront besoin dans quelques années de migrants », observe Patrick Taran.

Dans quels secteurs travaillent-ils ?

Les migrants de basse qualification occupent souvent des postes appelés en anglais « dirty, dangerous and degrading » (sales, dangereux et dégradants) à la pénibilité évidente « qui ne sont pas couverts par une offre de main d’œuvre nationale », assure Patrick Taran qui bat ainsi en brèche les discours des extrêmes politiques contre les immigrés qui prennent des postes des nationaux.

A un autre niveau, dans l’OCDE, par exemple, les migrations de personnes qualifiées ont  augmenté « de 70% entre 2000 et 2010 », souligne Jean-Christophe Dumont. 

Les travailleurs migrants répondent parfois à des demandes de postes très spécifiques : « Il y a parfois des besoins urgent de gens avec des compétences qu’il n’y a pas dans le marché local du travail, explique Patrick Taran. Au niveau international, les employeurs ont aujourd’hui du mal à trouver les personnes compétentes pour un poste sur 3 qui est à pourvoir. Alors, ce sont parfois les migrants avec des qualifications qui les prennent. Par exemple, les Indiens viennent  de Bombai avec des compétences très développées en informatique et partent travailler dans la Silicon Valley en Californie ou même en Allemagne. »

Quel atout pour leurs pays d’origine ?

Même si on parle souvent de fuite des cerveaux pour les migrants hautement qualifiés qui quittent leurs pays, les migrations, en général, profitent aux pays d’origine d’un point de vue économique. Les migrants envoient ainsi de l’argent directement à leurs familles. D’autres pratiques voient aussi le jour comme au Sénégal, certains achètent de la nourriture livrée à leur famille grâce à Internet.

En 2008, selon l’ONU, le rapatriement de fonds par les migrants s’élevait à 444 milliards de dollars, dont 338 milliards qui sont allés aux pays en voie de développement. Une somme qui dépasse celle de l’aide publique au développement des pays de l’OCDE qui atteignait 119,8 milliards de dollars. 

Pourquoi les migrants sont-ils nombreux à être au chômage ?

En dépit, de ce besoin croissant de migrants pour occuper des postes qui ne trouvent pas de preneurs au niveau national, nombre d’entre eux se retrouvent au chômage. En France, selon les chiffres de l’Insee, près de 26% des femmes et plus de 24% des hommes étrangers, venant d'un pays hors de l’Union européennes, étaient au chômage en 2013. Dans les pays de l’OCDE, ce taux de chômage s’élevait à 11,6 % en 2010/2011. 

Jean-Christophe Dumont tient à clarifier ces chiffres : « Les migrations de travail représentent 15% à 30% de l’ensemble des  flux  migratoires ». Ce qui signifie que les migrants qui se retrouvent au chômage ne sont pas forcément ceux qui viennent pour travailler. Sur le marché de l’emploi, les difficultés s’accumulent pour les migrants humanitaires : « quand vous obtenez le statut de réfugié, vous n’avez pas d’offre d’emploi, vous êtes partis comme vous avez pu de votre pays sans vos diplômes et vous avez donc du mal à faire valoir votre niveau de qualification ou de compétence. Vous devez aussi faire face à l’obstacle de la langue. » 

Dans le cadre de la migration familiale aussi les obstacles se multiplient : « En France, le niveau de qualification de personnes qui entrent dans le cadre du regroupement familial est plutôt faible.  Beaucoup de conjoints, souvent des femmes, n’ont pas travaillé dans leur pays d’origine ou le taux d’emploi des femmes est très faible notamment dans les pays du Maghreb par exemple. » Difficile alors d’intégrer un marché du travail étranger.  

Pourtant en général, « Les femmes ont un taux d’emploi plus élevé dans le pays de destination que les femmes dans le pays d’origine avec les mêmes caractéristiques sociaux-démographiques. » Aujourd’hui, les femmes représentent 48% des migrants dans le monde et plus de 50% en Europe. 

18.12.2014, Léa Baron

Source : tv5monde

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