Aujourd'hui, la Marocaine est animatrice à Femmes relais Sarthe. Un parcours semé d'obstacles pour être une femme reconnue.
Naïma Essouci est une Marocaine de 49 ans. Arrivée en France en 1981, elle est aujourd'hui salariée comme animatrice à Femmes relais Sarthe. Après quel parcours ! Elle est l'aînée d'une fratrie de 9 enfants et vivait dans un village près de Marrakech. « À quatre ans j'étais scolarisée, raconte-t-elle. Un jour vers ma dixième année, j'avais mis ma jupette, fait mes couettes et mon père me dit. Tu restes à la maison c'est ton frère qui va à l'école. » La descente aux enfers commence. Levée à 5 h pour chercher l'eau à la fontaine, ménage, vaisselle... Avec interdiction de sortir. La petite Naïma pense : « Je vais faire ça toute ma vie ! » Le soir en cachette de son père, avec une bougie et un crayon, elle griffonne sur un carnet.
Mariée à 16 ans avec un inconnu
À 16 ans, son père la marie à un homme qu'elle n'a jamais vu. « Je faisais à manger, préparais des plats, je voyais du va-et-vient sans savoir que c'était pour moi. » Le soir, elle a l'obligation de signer l'acte... Et retourne à ses casseroles. Quatre jours après, c'est la cérémonie. « Je n'avais toujours pas vu mon mari, je ne connaissais même pas son prénom ! » Naïma reste chez ses parents sans son mari qui vit en France mais son sort s'améliore car elle est devenue « une femme mariée ».
Soif de culture
Naïma a soif de culture, de poésie, de musique, de littérature. En 1981 elle rejoint son mari en France avec sa petite fille de 18 mois. Elle aura cinq enfants avec son mari, de 30 ans son aîné. Arrivée à Paris, elle n'a de cesse de se dire : « Naïma il faut travailler. » Mais que faire quand on parle à peine le Français et qu'on n'a pas été à l'école ? Elle fait un peu de couture, jusqu'au jour où une dame lui demande de garder son enfant. Elle sera nourrice. Par ses propres moyens, elle passe le permis de conduire. Avec toujours au fond d'elle, la soif de revanche pour montrer à son père qu'elle est une femme capable.
En 1994, elle retourne quelques années au Maroc avec son mari à la retraite, inscrit ses enfants dans les collèges français. Puis revient en France, au Mans et sonne à la porte des Femmes d'ici et d'ailleurs. « Je me souviendrais toujours de l'accueil de Damia, une médiatrice. » Naïma fait du bénévolat au sein de l'atelier de couture et devient salariée.
« Je rends ce qu'on m'a donné ! »
Aujourd'hui Naïma tire un bilan. Même si tout n'est pas parfait, elle est fière d'avoir réussi l'éducation de ses enfants. « À Femmes relais, je vois des femmes arriver avec leur malheur, je me bats avec elles pour lutter contre ce que j'ai subi. » Avec un conseil : apprendre, apprendre, toujours apprendre et ne jamais baisser les bras. Elle souffre pour ces femmes qui, après 50 ans de mariage, sont quittées par leur mari. « Certaines savent à peine parler le français, ne savent pas lire, pas écrire, pas téléphoner. Elles n'osent même pas sortir faire leur course ou prendre le tram, se désole l'animatrice. De telles situations existent au Mans. »
Et si Naïma réussit à sortir une ou deux femmes par an de cette spirale infernale, elle est heureuse. Actuellement, au fond de son coeur, une idée germe : « Je voudrais monter un projet auprès de jeunes filles non scolarisées au Maroc. »
5/7/2011
Source : Ouest France