vendredi 10 mai 2024 22:11

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

La politique de fermeture des frontières est un échec, ses coûts non mesurés (Gitsi)

La politique de fermeture des frontières prônée par l'Europe, dont la France notamment, est un "échec" du fait que son principal objectif, le contrôle des flux migratoires, n'a pas été atteint, a indiqué un membre du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), Emmanuel Blanchard.

"Les objectifs des promoteurs de cette politique, présentés comme pragmatiques et relevant d'une rationalité instrumentale ûla fermeture des frontières visant à un objectif : le contrôle des flux migratoires dans le respect de la souveraineté nationale et des principes internationaux- ne sont pas atteints", a estimé la même source, lors d'une conférence jeudi soir à la Mairie du 12eme arrondissement de Paris.

Pour M. Blanchard, également membre de Migreurope, un réseau de militants et chercheurs dont l'objectif est de faire connaître la généralisation de l'enfermement des étrangers dépourvus de titre de séjour, l'échec de cette politique de l'immigration s'explique par le fait qu'elle "n'intègre pas, dans son référentiel, un certain nombre de coûts (à), entendus dans un large sens, intégrant les niveaux individuels et collectifs, aussi bien pour les sociétés d'arrivée que pour celles de départ".

Selon l'orateur, le premier de ces coûts est humain. Ce coût renvoie avant tout au fait que les candidats au départ ont été poussés à adopter des modes de déplacement particulièrement longs et dangereux afin d'échapper aux dispositifs de surveillance qui ont coupé peu à peu les routes migratoires habituelles, a-t-il expliqué.

"Cette militarisation des frontières a conduit à une véritable +guerre aux migrants dont les victimes sont des morts sans nom", a relevé M. Blanchard qui, citant l'Organisation Fortress Europe, rappelle que, depuis 1988, quelque 15000 personnes sont mortes en cherchant à entrer dans l'UE, dont les deux tiers en Méditerranée ou dans l'océan Atlantique.

Il a déploré que sur toutes les mers du monde, cette hécatombe est en partie due à ce qu'une fraction de ces migrants a été contrainte de s'en remettre à des "entreprises clandestines, parfois criminelles, peu soucieuses du sort de cette clientèle captive".

Evoquant ce qu'il a qualifié de coût "démocratique" de cette politique européenne de l'immigration, M. Blanchard a critiqué la remise en cause du droit de quitter son propre pays, reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme.

"Dans certains pays, cela passe par une criminalisation de l'émigration contraire au droit international, le plus souvent, l'obligation imposée aux pays à +risque migratoire+ d'accepter de +reprendre+ leurs ressortissants en situation irrégulière en Europe, voire des sans-papiers ayant simplement transité par leur territoire, est le principal instrument de cette politique d'externalisation des contrôles", a-t-il regretté.

Pour M. Blanchard, les Etats du Nord, dans leurs atteintes répétées aux droits fondamentaux des étrangers, sont "peu regardants" quant à l'origine des exilés. "Avoir fui un régime dictatorial ou autoritaire n'est que rarement une circonstance atténuante devant le +tribunal+ de la police des frontières", a-t-il observé.

Au plan économique, le conférencier a affirmé que les coûts frappent surtout les pays du Sud. "La captation par les Etats du Nord et les entreprises privées d'une partie des revenus transférés vers les pays d'origine des travailleurs migrants, la rupture de circuits commerciaux transfrontaliers fondés sur la circulation des hommes, les difficultés à réinvestir dans les régions de départ les compétences et les revenus forgés en situation d'exil forcé plutôt que dans le cadre d'un projet migratoire volontaire sont autant de freins au développement", a-t-il précisé.

Selon l'orateur, dans le cas de la France, le coût budgétaire annuel, si l'on prend en compte l'ensemble de la chaîne détention-expulsion, serait d'environ 700 millions d'euros. "Il ne s'agit que d'une petite partie du budget total de la politique de fermeture des frontières : la surveillance du territoire n'est ainsi pas prise en compte, ni la mobilisation de policiers à des tâches de contrôle effectuées au détriment d'autres activités. C'est donc en milliards qu'il faut évaluer les coûts directs de la fermeture des frontières", a-t-il fait remarquer.

Pour le chercheur, une réflexion doit être engagée autour d'une politique de l'immigration qui ne se positionnerait plus par rapport au seul objectif de contrôle des flux migratoires, mais qui relèverait d'une "vraie politique publique à venir, dépassant les clivages idéologiques, partisans".

Cela appelle, selon lui, avant tout un respect des textes internationaux par L'UE, une "décriminalisation" du séjour irrégulier, la fermeture des centres de rétention administrative, la suppression des visas de transit, et, graduellement, des visas, les frontières étant présentement externalisés.

Cette conférence inaugure une semaine antiraciste, organisée à l'initiative de "D'ailleurs nous sommes d'ici", un collectif national qui compte en son sein des partis politiques, des organisations syndicales de salariés, des enseignants, des magistrats, des avocats, des étudiants et des lycéens, en plus d'une centaine d'associations nationales et locales, des élus locaux, des députés et des parlementaires européens.

Cette manifestation prendra fin le 28 mai avec l'organisation de marches à travers toute la France pour "dénoncer la poursuite de l'offensive du chef de l'Etat, du gouvernement et de la majorité qui les soutient, contre les étrangers en s'en prenant désormais aux immigrés en situation régulière et aux demandeurs d'asile". (APS)

20 mai 2011

Source : APS

Google+ Google+