Il est jeune, talentueux, intelligent et surtout ambitieux. Roschdy Zem, une fierté française et marocaine, un modèle de réussite pour tous. Et qu’on se le dise, il n’est pas à ranger dans le tiroir de l’arabe de service, son engagement est bien plus profond. Cette entrevue avec une icône en devenir fier de ses racines, a été réalisée lors de son passage à Marrakech dans le cadre du Festival International du Film qui s'est terminé il y a quelques jours.
Acteur, réalisateur, scénariste, dialoguiste, coproducteur, adaptateur… Ça en fait des casquettes ! Alors laquelle préfères-tu porter ?
Elles sont complémentaires, du coup c’est compliqué de répondre. C’est parce que je suis réalisateur que j’aime mon métier d’acteur, et vice versa. J’ai beaucoup de mal à mettre une échelle de valeurs sur ces différentes fonctions.
Et du coup les choix sont difficiles. Par exemple, dans Omar m’a tuer, vous êtes passé à côté du rôle principal qui j’imagine vous inspirait bien, pour pouvoir être derrière la caméra ?
C’est vrai. Mais je ne voulais pas me mettre en scène. J’ai fait cette expérience dans mon premier film et je ne la renouvellerai pas.
“J’aime jouer pour les autres mais par pour moi, ça n’a pas été un grand souvenir.”
Vous avez donc débuté en tant qu’acteur, recevant des directives, pour finalement en donner en devenant réalisateur et producteur à la fois. Comment passe-t-on d’un regard à l’autre?
Honnêtement ça s’est fait très naturellement. Ça n’a pas été une longue réflexion. Comme beaucoup de gens, j’ai des histoires à raconter, et là j’ai l’opportunité de pouvoir les réaliser, c’est surtout ça qui est important.
Pourtant ce n’est pas facile, êtes-vous retourné à l’école pour apprendre?
Non, je me suis surtout bien entouré, je suis là pour apprendre et je n’ai aucun souci à ce qu’on m’explique comment faire quand je ne sais pas. Ce qui est important quand on est metteur en scène c’est d’avoir un point de vue. Ensuite il y a des gens qui sont là pour mettre tout en œuvre, toute cette technicité au service de ton point de vue.
Ça doit être une fierté pour un fils d’immigré que de gravir les échelons dans un domaine aussi fermé que le cinéma? Surtout dans une société française où l’ascenseur social reste en panne.
Oui c’est sûr, il y a beaucoup de fierté, mais je réalise aussi que j’ai eu beaucoup de chance. Parce qu’il y a beaucoup de gens de talent en France issus de l’immigration qui n’ont pas cette chance-là. Je fais partie de ceux qui sont l’arbre qui cache la forêt. Ça, il ne faut pas l’oublier.
“Je suis une exception parmi quelques autres, comme Sami, Gad ou Jamel. Cela dit, tu peux être français pure souche et connaître les mêmes difficultés, surtout dans les milieux fermés comme celui du cinéma.”
Comment devient-on une exception?
Tu dépends tellement du désir des autres. En fait, ce n’est pas vraiment toi qui décides de le devenir. C’est à travers le regard des metteurs en scène qui sont les décideurs. Le plus dur c’est de provoquer le désir, et ça ce n’est pas quelque chose qui se maîtrise. La vraie question c’est plutôt pourquoi un réalisateur va préférer travailler avec toi plutôt qu’un autre. Aujourd’hui encore je ne saurais pas vous dire pourquoi.
On peut dire que c’est une histoire de charme?
Même pas. Je pense que ce qui m’a différencié à l’époque c’est l’absence de séduction. Je crois qu’inconsciemment j’ai rassuré les metteurs en scène parce que, justement, je n’étais pas dans la demande.
Votre actualité récente avec la réalisation de Omar m’a tuer vous renvoie à vos origines marocaines. Ce fut le cas également avec le film Indigènes. Peut-on dire qu’avec l’âge et la maturité professionnelle, vous vous intéressez plus à l’histoire de votre pays d’origine?
Je ne m’y intéresse pas plus, je m’y suis toujours intéressé.
“C’est juste qu’aujourd’hui on a la possibilité de faire des films qui nous racontent. C’est une possibilité qu’on n’avait pas avant, et forcément comme tout reste à faire, on profite de notre notoriété pour développer d’autres projets.”
On aurait tort de croire que ces films-là n’intéressent que les gens issus de la communauté maghrébine. Dans les salles, ils sont une minorité. Je sais que quand je fais un film d’action, je les fais plus facilement venir au cinéma.
Est-ce que vous ne seriez pas en train de devenir, vous, mais aussi d’autres acteurs et comédiens d’origine maghrébine, comme votre acolyte Sami Bouajila ou encore Jamel Debbouzze, les nouveaux étendards de la rive sud de la Méditerranée en France et dans le monde?
Je ne sais pas.
Est-ce que vous aimeriez le devenir?
Non. Parce qu’on fait du cinéma. Et s’il y a forcément de la politique dans des projets comme Indigènes ou Omar m’a tuer, ça n’en reste pas moins du cinéma. Je veux dire par là que sur le terrain, il y a des acteurs sociaux formés qui font ça tous les jours. Je préfère mettre l’accent sur eux, car ils font un vrai travail de fond. Ensuite c’est tellement plus facile de passer des messages sur grand écran que d’être éducateur. On n’a pas vraiment de mérite à notre niveau sur cette question.
Oui mais avec le cinéma l’impact est plus grand. D’où quelque part, une certaine responsabilité? La ressentez-vous?
Je ne la ressens pas cette responsabilité, honnêtement. Je me laisse d’abord guider par mes envies et il s’avère que mes envies vont souvent vers des films engagés.
Donc pour l’instant, tout est naturellement fluide, et je continue dans cette optique !
16/12/2011, Naaoumi Najlae
Source : Aufait