Comme en 2007, le parti de Nicolas Sarkozy compte bien ne pas laisser le sujet de l’immigration être l’apanage de l’extrême droite.
Et l’Europe ne sera pas absente de ce jeu. Dans son projet pour 2012, dont les premières propositions ont été présentées le 7 juillet, l’UMP estime qu’en matière d’immigration, l’Europe "doit mieux assumer ses responsabilités".
"Muscler l'espace Schengen"
Avec, en ligne de mire, la révision et l’évaluation de l’un des fondements de l’Union européenne : le principe de libre circulation des personnes mis en musique par la Convention Schengen.
L’UMP veut "muscler" l’espace Schengen qui compte aujourd’hui 25 pays d’Europe. Cette proposition est dans la lignée de ce que demandent la France et l’Italie depuis le mois de février et l’arrivée de près de 25 000 migrants sur l’île de Lampedusa (Italie).
Au mois de mai, la Commission européenne a annoncé qu’elle proposerait, prochainement, de modifier les critères qui permettent à un Etat de fermer temporairement ses frontières en cas de crise. De leur côté, les pays de l’UE ont pris des gants et précisé que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’UE devrait avoir lieu "à titre exceptionnel", "dans des situations véritablement critiques".
Exclusion
Le sujet est tellement sensible qu’un accord sera très difficile à trouver. Or, l’UMP va beaucoup plus loin que les dirigeants européens. Elle propose l'exclusion temporaire de l'espace Schengen pour tout Etat qui ne remplirait pas ses engagements.
Un scénario qui semble irréaliste. "Politiquement, demander l’exclusion va très loin, explique Yves Pascouau chercheur à l’European policy center à Bruxelles. Et juridiquement, c’est impossible. Il faudrait modifier les traités, ce qui n’est pas du tout gagné. L’UMP est dans une logique de marketing politique très forte".
" Il faut en permanence suivre l’application des accords de Schengen", précise également le texte de la majorité. Mais le projet, sur la table des pays de l’UE depuis l’automne 2010, n’avance pas. Actuellement, l’évaluation des performances nationales en matière de surveillance des frontières est menée par les Etats eux-mêmes. Les pays contrôlés sont prévenus à l’avance par leurs partenaires et les inspections inopinées sont interdites.
La Commission européenne a bien proposé de faire intervenir des experts indépendants et d’autoriser les contrôles surprises. Mais les Etats, peu enclins à ce que l’on vienne fouiller dans leurs affaires, traînent les pieds.
Un commissaire à l'immigration
Au-delà de l’évaluation, l’UMP se plaint également du manque de pilotage politique de l’espace Schengen. La Commission se prononcera en septembre prochain à ce sujet. Mais il est peu probable que les points de vue convergent. La commissaire en charge du dossier, Cécilia Malmström, n'a eu de cesse de rappeler que la gestion de l'espace Schengen ne devait pas être livrée aux décisions unilatérales des Etats.
Tenter à Bruxelles ce qui a échoué en France? C’est ce que semble également vouloir faire la droite en proposant qu’un commissaire soit uniquement en charge de l’immigration, du co-développement et de l’intégration. Créé en 2007 par Nicolas Sarkozy, le ministère de l’Immigration et de l’identité nationale a pourtant été déboulonné, laissant au ministère de l'Intérieur le soin de s'occuper de ces sujets.
Actuellement, c’est la commissaire en charge des Affaires intérieures, Cécilia Malmström, qui gère, entre autres, le dossier migratoire. "Je ne vois pas la nécessité de créer un poste spécifique", estime Yves Pascouau.
Aide au développement et immigration
La volonté de lier l’aide au développement aux pays voisins à l’action de ces Etats en matière d’immigration irrégulière explique peut-être en partie cette proposition.
Et dans ce domaine là, l’UMP passe un cap que la France avait toujours refusé de franchir. "La politique de reconduite à la frontière pourrait être plus efficace grâce à un conditionnement – au niveau européen – de l’aide au développement et de la délivrance de visas en fonction des pays d’origine", précise le parti.
Aujourd’hui, le principe de conditionnalité ne porte que sur un échange de bons procédés sur l’immigration. En d’autres termes, les pays de l’UE sont d’accord pour faciliter l’octroi de visas, si le pays partenaire s’engage à lutter contre l’immigration irrégulière.
Lors d’un sommet européen à Séville en 2002, l’Espagne et le Royaume-Uni avaient déjà essayé de changer la donne. Or, à l’époque, le président Jacques Chirac avait tapé du poing sur la table en déclarant qu’il n’était pas question de lier aide au développement et immigration. "C’est faire une erreur fondamentale de demander à un pays qui ne dispose pas de moyens élevés d’avoir des actions fortes en matière d’immigration irrégulière", estime Yves Pascouau.
Reste que c’est la ligne défendue par Nicolas Sarkozy à Bruxelles. Et le lobbying français semble avoir payé puisque la communication du 4 mai de la Commission intègre l'idée. Mais, pour le moment, les dirigeants de l’UE n’ont pas repris le concept.
Limiter les recours
Certaines propositions faites par l’UMP sont déjà sur la table. A titre d’exemple, le renforcement des moyens de l’agence Frontex, qui coordonne les actions des Etats aux frontières extérieures de l’UE, est acté. Mais tout le problème est de déterminer un montant. Or, pour le moment aucune somme ne circule.
L’UMP appuie également la création d’une "agence européenne de l’espace Schengen", qui permettrait d'éviter le "visa shopping". C'est-à-dire la possibilité pour un étranger de faire des demandes de visas dans plusieurs pays de l'UE pour augmenter ses chances d'en obtenir un.
Cette nouvelle agence, dont la création a été actée, n'a pas l'ambition d'une agence européenne de l'espace Schengen, mais elle a pour but d'améliorer la coordination entre les différents systèmes informatiques sur les demandes de visa dans l'UE (SIS II, Eurodac et VIS). Elle devrait être mise en place à l'été 2012. Son siège sera à Tallinn (Estonie).
En matière d'asile, l'UMP demande également la simplification des procédures. Mais aussi la limitation des recours. Une proposition qui pourrait aller à l'encontre d'un droit fondamental, reconnu par la convention de Genève de 1951.
Le programme du parti majoritaire sera soumis au futur candidat de l'UMP pour la présidentielle de 2012 à l'automne. A lui de choisir celles qu'il souhaite retenir. Si Nicolas Sarkozy se représente, les mesures ne devraient pas être fondamentalement modifiées.
12/7/2011, Clémentine Forissier
Source : Euractiv