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Paris - Identité: des binationaux surpris qu'on doute de leur amour de la France

jeudi, 24 décembre 2009
Surpris que l'on doute de leur amour de la France, des binationaux s'interrogent sur la "hiérarchie des appartenances" défendue par le ministre de l'Immigration dans le cadre d'un grand débat sur l'identité nationale lancé fin octobre et de plus en plus critiqué.

Les appels à suspendre ou même enterrer ce débat se sont multipliés ces derniers jours, jusque dans la famille politique du président Nicolas Sarkozy, après une série de dérapages et de controverses sur la place de l'islam dans la société française.

Une pétition lancée lundi par l'association SOS racisme appelant à mettre fin à un débat présenté comme un "espace de libération de la parole raciste" avait déjà recueilli mercredi matin près de 25.000 signatures.

La France et le Canada "c'est comme ma femme et ma mère, ce sont mes deux amours; il n'y pas de hiérarchie entre les deux", tranche Douglas Alteen, un journaliste franco-canadien qui a obtenu sa nationalité française en 2005.

Or pour le ministre de l'Immigration Eric Besson, "la bonne intégration suppose une dose d'assimilation". Sans renoncer à ses "origines et à son histoire personnelle", l'étranger naturalisé français doit accepter que "les autres appartenances deviennent secondes par rapport à l'appartenance française", a-t-il relevé.

Après avoir grandi au Canada où il est né, Douglas Alteen a vécu aux Etats-unis et en Russie. Mais c'est la France qui l'a finalement séduit par son "mode de vie, son histoire fascinante, et ses valeurs". Une "longue réflexion" le conduira à prendre une "décision importante": devenir Français.

"J'aime la France mais me demander si je l'aime plus que le Canada est une question bizarre, un faux débat", répond M. Alteen qui avoue parler en anglais avec ses enfants pour qu'ils soient "bilingues".

Comme lui, la sociologue Franco-roumaine Ana-Luana Stoïcea-Deram "aime la France" et se sent "sans aucun doute Française" mais n'accepte pas qu'"on dicte un sentiment d'appartenance".

"Nous avons la liberté d'être ce que nous voulons être et ce n'est parce qu'on vient d'ailleurs qu'on a le droit de nous poser des questions sur notre +francité+", se défend la sociologue qui enseigne dans une université parisienne.

L'identité est aussi, selon elle, dans "le regard de l'autre". Ainsi, si ses étudiants américains la voient comme une "enseignante française", ses étudiants français "de souche" l'ont, à sa surprise, perçue "d'abord comme une étrangère".

Mme Stoïcea-Deram se rend "régulièrement" en Roumanie et aimerait s'y rendre "plus encore" sans avoir le sentiment d'être "moins française".

Elève avocate, Djohar Sidhoum-Rahal, née en Algérie, est "par filiation" Algérienne par son père et Française par sa mère.

"C'est absurde de demander aux gens de faire des hiérarchies car les identités ne sont pas figées", juge-t-elle, observant qu'"il y a des injonctions qui sont faites aux juifs et aux musulmans de dire s'ils sont français alors qu'elles ne sont pas faites aux chrétiens".

De la même façon, note-t-elle, "on ne demande jamais si le grand fortuné qui quitte la France pour fuir le fisc est un traître à la nation".

L'identité ne pouvant être "encadrée par des normes juridiques" alors que le ministre est censé "créer de la norme", le débat lancé par M. Besson n'aboutira à "rien de concret" mais aura été au final "une vaste interrogation sur l'islam", déplore la jeune étudiante.

"Complètement Française" et "entièrement Géorgienne", a récemment affirmé Salomé Zourabichvili, ancienne ambassadrice de France où elle est née et ancienne ministre de Géorgie d'où sont venus ses parents. Elle s'exprimait en présence d'Eric Besson, lors d'un débat sur l'identité à Paris.

Source : AFP

Publié le 24.12.2009
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